Débat n Le colloque scientifique portant sur «les mythes anciens à l'épreuve de la modernité dans les littératures africaines», s'est poursuivi hier à la salle El-Mougar. Jeanne-Marie Clerc a, dans son intervention, évoqué la place des mythes dans l'imaginaire littéraire. Cela revient à dire, selon elle, que «le recours aux mythes anciens dans la littérature contemporaine permet de décrire une autre réalité historique», a-t-elle expliqué. Les mythes anciens, mythes fondateurs de la culture et de l'ancestralité africaine, sont adaptés sous une forme romanesque et de manière assimilée à une recherche nouvelle de procédés et de formes d'écriture pour dire la réalité et la définir. «La vertu du mythe ancien est de lire et de dire la réalité du présent dans ses dimensions technologiques et culturelles en situation de créolisation», a-t-elle souligné. L'intervenante a également fait savoir que la transposition des mythes anciens à la vie contemporaine permet de créer une jonction entre le passé et le présent, entre l'ancien et le nouveau. Ainsi, des mythes anciens se créent des mythes nouveaux, des mythes qui renvoient aux différents rapports entretenus par la société au réel. Tout comme les mythes modernes prennent naissance dans l'actualité, à savoir les faits sociaux et les comportements culturels de la vie moderne aident à la création de nouveaux mythes, selon l'universitaire Emmanuel Matateyou, et d'ajouter : «Ces mythes modernes aident [à leur tour] à créer une nouvelle littérature.» Cela veut dire que «la nouvelle catégorie d'écrivains promènent le lecteur dans les nouveaux territoires de l'imaginaire [littéraire]».Ainsi, les littératures africaines se présentent comme étant le lieu et de la cohabitation et de la confrontation entre les traditions mythologiques ancestrales et les nouveaux imaginaires mythologiques. Jacqueline Jondot a, pour sa part, expliqué que «le recours aux mythes anciens permet de relire l'histoire, de la réinterpréter en montrant sa double dynamique et ses renversements qui laissent apparaître des failles dans lesquelles il installe sa propre conception de l'histoire, fondée sur sa relecture».L'universitaire algérienne Dalila Mekki a, de son côté, abordé la question des mythes à l'épreuve de l'Histoire. Dans les littératures africaines coexistent divers mythes, et ces mythes, porteurs d'un savoir et de repères socioculturels qu'ils transmettent aux générations futures, accompagnent une traversée des mémoires. Autrement dit, les mythes anciens sont réutilisés, réactualisés ou bien transfigurés ou recréés pour en faire d'autres adaptés à la réalité moderne. «Les mythes en texte sont entraînés dans un mouvement de résistance, d'effritement ou de transformation de leur sens dans l'Histoire qui conduit à leur inversion ou leur manipulation au profit d'une nouvelle société.» Les mythes anciens se présentent comme un mode de récit, un mode opératoire chargé de construire le roman – et de le reconstruire autrement et nouvellement. Tout comme ils servent à renouveler le champ culturel et la vision du monde de la société dans laquelle ces derniers ont pris naissance. Pour rappel, d'éminents chercheurs africains et africanistes venus d'Afrique, d'Europe et d'Amérique participent à ce colloque. l Les littératures africaines se révèlent de par leur contenu et la manière dont le champ littéraire a été construit, un réservoir de l'authenticité et de l'ancestralité africaines. L'expression manifeste de mythes, aussi bien anciens que modernes, ces littératures, consacrées à dire et à décrire le monde africain et son être au monde, sont le véhicule de l'héritage intellectuel et humaniste africain ainsi que son inscription dans la modernité. Elles explorent de nouvelles pistes idéologiques et propositions esthétiques, mais toujours avec le double souci de la fidélité à soi et de l'ouverture sur le monde contemporain, marqué par la mondialisation. Ce sont, en outre, des réflexions permanentes toujours sur les relations qui mettent les sociétés africaines à l'épreuve et de la modernité et de l'Histoire. Histoire aux prises à l'acte créateur (l'appartenance au lieu d'origine et à ses traditions) et à l'espace de création (la langue d'expression).