Embarras n La ministre suisse des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey, a déclaré hier soir avoir reçu à Berne les ambassadeurs de pays musulmans pour leur «expliquer» les résultats du référendum de dimanche interdisant les minarets en Suisse. «Nous essayons d'expliquer et d'informer sur les résultats du vote, en particulier dans les pays arabes et islamiques. J'ai rencontré les ambassadeurs des pays concernés en poste à Berne cet après-midi», a déclaré la ministre au micro de la radio française RTL. «Nous avons des intérêts communs», a-t-elle poursuivi, appelant à «renforcer le dialogue entre les différentes communautés religieuses en Suisse, un pays multiculturel». Toutefois, le gouvernement suisse redoute autant des réactions violentes contre ses représentations à travers le monde que des mesures de rétorsion économique de pays musulmans. Inquiète, l'organisation Economie Suisse a appelé à «circonscrire les dégâts potentiels du vote à l'intérieur des frontières suisses». Hier soir, Micheline Calmy-Rey a affirmé que le vote de dimanche était le «résultat de peurs et de difficultés diverses, liées à un contexte de globalisation et de crise économique et devait être compris avant tout comme une mise en garde adressée au gouvernement suisse». «Cette initiative a été instrumentalisée. Je le regrette profondément. Je suis choquée, d'autant plus que cette initiative n'avait pas le soutien du gouvernement», a-t-elle souligné. Le gouvernement suisse craint «effectivement que ce résultat ne soit sans conséquences pour les exportations et la branche du tourisme», a reconnu de son côté la ministre de la Justice et de la Police suisse. En effet, pour le politologue Pascal Sciariani de l'université de Genève, «il n'y aura pas forcément d'appel explicite des gouvernements de ces pays à boycotter la Suisse, mais il peut y avoir des réactions individuelles ou de l'élite appelant les musulmans à réduire leur fortune gérée en Suisse, à réduire leurs voyages touristiques, notamment à Genève, ou à compliquer les relations commerciales avec la Suisse. «Chaque année, les visites à Genève des ressortissants des pays du Golfe génèrent environ 250 millions de francs suisses (164 millions d'euros), soit un dixième des revenus touristiques de la ville. L'impact du vote des Suisses reste pour l'instant difficile à chiffrer. Même si «les suites immédiates de la votation sont limitées», comme le relève le journal zurichois Neue Zürcher Zeitung (NZZ), «le regard du monde musulman sur la Suisse ne sera plus jamais le même», avertit le directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève, Hasni Abidi.