Dans un discours prononcé à la veille du Mawlid Ennabaoui, le Guide de la Révolution libyenne a incité au «djihad» contre la Confédération helvétique qui «détruit les maisons d'Allah». Le leader libyen faisait référence au référendum concernant l'interdiction des minarets en Suisse qui a été approuvé à plus de 57% à la fin du mois de novembre 2009. «Boycottez la Suisse: boycottez ses marchandises, ses avions, ses navires, ses ambassades, boycottez cette race mécréante, apostate, qui agresse les maisons d'Allah», a-t-il déclaré à l'occasion de cet événement qui commémore la naissance du Prophète Mohammed (Qsssl). Puis il a poursuivi sa diatribe sous forme de «fetwa» pour condamner dans une déclaration enflammée: «Tout musulman, partout dans le monde, qui traite avec la Suisse est un infidèle, il est contre l'Islam, contre Mohammed (Qsssl), contre Dieu, contre le Coran», a ajouté le colonel Mouamar El Gueddafi visiblement très remonté contre les responsables helvétiques qui, jusqu'à hier, n'ont pas réagi à cette nouvelle escalade verbale. Le Guide de la Révolution libyenne n'a pas, selon toute vraisemblance, passé l'éponge suite à l'arrestation de son fils Hannibal en juillet 2008, après qu'une plainte contre lui et son épouse ait été déposée pour maltraitance de domestiques. Le couple n'a pu être libéré que contre une caution d'un total de 500.000 Francs suisses. Une affaire qui a pris la tournure d'une humiliation à Tripoli. Dans la foulée de cette triste histoire, deux ressortissants suisses ont été retenus à Tripoli depuis le 19 juillet 2008. Ils s'étaient retranchés depuis des mois à l'intérieur de l'ambassade de leur pays pour échapper aux accusations de la justice libyenne. L'un, Rachid Hamdani, bénéficiant de la double nationalité suisse et tunisienne, a été blanchi. Toutes les poursuites contre lui ont été abandonnées en ce début de mois de février. Il a donc pu quitter le territoire libyen. Il serait arrivé à Djerba d'où il devrait rejoindre Genève. Son compagnon, Max Göldi, représentant d'une société d'ingénierie, ABB, moins chanceux, a pour sa part, été condamné à quatre mois de prison pour «séjour illégal». Il s'est rendu aux autorités libyennes qui, d'après certains médias suisses, menaçaient de donner l'assaut à la représentation diplomatique helvétique. Il a été incarcéré il y a moins d'une semaine à la prison de Aïn Zara, non loin de Tripoli. Le dénouement même partiel de cette affaire aurait pu laisser croire à un apaisement des relations entre les deux capitales. C'était sans compter sur d'autres rebondissements aussi inattendus que stupéfiants. De l'huile a été jetée sur le feu à la mi-février lorsqu'un journal libyen, Oea, proche de Seïf El Islam, un des fils du colonel, a dévoilé sur son site Internet que «les autorités de l'entité suisse ont émis une décision interdisant à 188 personnalités libyennes d'entrer sur les territoires de cette entité». Y figureraient le Guide de la Révolution libyenne et sa famille. «Cette décision porterait préjudice aux intérêts de la Suisse en premier lieu. Si elle n'est pas annulée, Tripoli répondra par des mesures de dissuasion fondées sur le principe de réciprocité», a indiqué un responsable de haut niveau selon le même journal qui n'a toutefois pas dévoilé l'identité de sa source. En guise de représailles, les autorités libyennes ont annoncé leur intention d'interdire aux ressortissants des 25 pays de l'espace Schengen l'accès à leur territoire. Bruxelles s'affole. Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne se réunissent le 22 février. Le chef de la diplomatie autrichienne confirme l'information selon laquelle les Libyens étaient prêts à forcer l'entrée de l'ambassade suisse à Tripoli. La solidarité s'organise. Plusieurs pays dont l'Allemagne, l'Espagne, la France, l'Autriche, la Grande-Bretagne... donnent la consigne à leurs ambassadeurs de se déplacer sur place pour faire fonction de bouclier. Une initiative qui, selon toute vraisemblance, n'aura servi qu'à soulever le courroux du Guide de la Révolution libyenne. Soixante-douze heures plus tard, dans un discours tout feu, tout flamme, prononcé depuis Benghazi, il annonce que la tension entre Berne et Tripoli est désormais montée d'un cran. «C'est contre la Suisse mécréante et apostate qui détruit les maisons d'Allah que le jihad doit être proclamé par tous les moyens», a-t-il affirmé. Il faudra sans aucun doute plus que du doigté et un savoir-faire diplomatique de premier ordre pour ramener à de meilleures intentions la sensibilité froissée du président de la Jamahyria libyenne. «La situation est difficile, elle est délicate», a reconnu, mercredi au cours d'un point de presse, Micheline Calmy-Rey, la ministre suisse des Affaires étrangères.