Réflexion n Ammar Kessab est un jeune chercheur algérien, expert en gestion et politique culturelle. InfoSoir : Vous venez d'être primé. Parlez-nous du prix que vous avez reçu... Ammar Kessab : Je viens en effet de recevoir à Accra (Ghana) le prix ICACD «Young Achievers Award» de la Conférence Internationale sur la Culture et le Développement en Afrique. Le prix est décerné chaque année par l'organisation «Culture et Développement International» à un jeune ou à une organisation de jeunesse qui a démontré son engagement dans le domaine de la culture et du développement. En quoi consistait la Conférence Internationale sur la Culture Africaine et le Développement ? l La conférence a eu cette année comme thème «Culture et Objectifs du Millénaire pour le Développement». Plusieurs experts du monde entier ont participé par des communications de très haut niveau. La plupart appelaient à la concrétisation et à l'application rapide des chartes, des conventions et des autres textes internationaux ratifiés par leurs Etats. Sur quoi s'est articulé votre travail, votre intervention ? l J'ai présenté lors de cette conférence mon rapport sur la politique culturelle en Afrique du Nord. Ce rapport m'a été commandé par l'Unesco dans le cadre d'un projet international intitulé «Vers de nouvelles politiques culturelles». Pouvez-vous nous parler de la recherche doctorale en gestion de culture que vous êtes en train de finaliser ? l En effet, je soutiens cette année une thèse en gestion de la culture où je modélise l'évaluation de la performance dans une organisation culturelle. Très rapidement, il s'agit de créer un modèle qui permettra à un Etat de contrôler l'argent public qu'il verse sous forme de subventions aux institutions culturelles. Le modèle relie le montant de la subvention à la performance de l'institution culturelle. Votre passion est la gestion de la culture. Comment est-elle née ? l Oui, c'est une vraie passion, mais depuis que je suis expert auprès de plusieurs Etats et institutions internationales, c'est aussi devenue ma profession. Quand j'étais comptable à Alger je montais de petits projets culturels ici et là, mais les problèmes administratifs et organisationnels n'en finissaient pas. J'essayais d'user de mes connaissances techniques pour les régler. Par la suite, j'ai appris que je n'étais pas le seul à faire cela et qu'il existait toute une discipline chargée de régler ce genre de problèmes. Et en quoi consistent vos recherches en matière de gestion de la culture ? l Pour ma part, je me suis spécialisé dans l'orientation des politiques culturelles par les moyens «rationnels» qui sont les «indicateurs de performance». Aujourd'hui, absolument tous les pays occidentaux et une grande partie des pays asiatiques fondent leurs politiques culturelles sur ces indicateurs, notamment pour les orienter vers un objectif de démocratisation culturelle. J'ai aussi quelques recherches qui traitent de la question de la gouvernance de la diversité culturelle en Afrique. n Interrogé sur la gestion de la culture, Ammar Kessab dira : «La gestion de la culture est une discipline qui s'occupe de réguler un secteur culturel pas tout à fait comme les autres car «très peu formalisable». Il s'agit d'utiliser des moyens «rationnels» empruntés aux sciences de gestion pour remédier aux nombreux problèmes qui caractérisent le secteur de la création. Parler de gestion de la culture, c'est d'emblée se demander s'il y a réellement une politique culturelle en Algérie. A ce propos, notre interlocuteur répondra : «Vu qu' il existe des activités culturelles et un ministère chargée des Affaires culturelles, il existe forcément une politique culturelle. Donc oui, il existe une politique culturelle en Algérie. Maintenant, si nous considérons la politique culturelle comme un instrument structuré par essence, la réponse est aussi oui. Je démontre cela dans deux rapports que j'ai réalisés récemment pour l'Observatoire des politiques culturelles en Afrique et El Mawred El Thaqafy.» Et pour qu'il y ait une réelle politique culturelle basée sur la gestion de la culture, Ammar Kessab soulignera : «Il faut, bien évidemment et avant tout, une volonté politique, comme ce fut le cas pour le Gabon dernièrement», et de préciser : «Il faut élaborer un plan national au niveau du ministère de la Culture et fixer des objectifs précis, institution par institution.» «Par la suite, il faudra former les responsables du secteur aux nouvelles techniques de la gestion culturelle pour qu'ils puissent rendre compte du travail qu'ils font», fait-il savoir. Ammar Kessab est un jeune chercheur algérien, expert en gestion et politique culturelles. Son engagement dans le développement de la gestion de la culture lui a valu le prix inaugural ICACD 2009. Ce prix récompense et couronne le travail mené par un acteur de la gestion culturelle dans le but de promouvoir d'une manière permanente la créativité culturelle, artistique et intellectuelle qui existe partout en Afrique. Ammar Kessab a, en outre, reçu en 2009 la bourse «Jeune chercheur en économie de la culture» à l'Université de Boston aux Etats-Unis et la bourse «Jeune chercheur en politique culturelle» à l'Université de Barcelone. Il travaille avec le ministère de la Culture de l'Afrique du Sud et a participé à l'élaboration de la nouvelle politique culturelle du Gabon.