Comédien et réalisateur, Khaled Benaïssa a brillé lors de la deuxième édition du Taghit d'Or du court métrage, en remportant les deux plus importantes distinctions du festival, à savoir le Grand-Prix et la Caméra d'Or du meilleur film algérien. Après trois expériences derrière la caméra, avec Peur virtuelle, Babel et Sektou, Khaled Benaïssa a la lourde tâche de se maintenir en haut du podium. Liberté : D'abord, un mot sur les deux prix que vous venez de recevoir… Khaled Benaïssa : Le mot est heureux. Non seulement pour les deux prix mais aussi pour les circonstances, à savoir où quand et comment j'ai eu ces deux prix ? C'est le premier film que je fais dans une structure de production classique Patio Prod : une boîte que Samir Messaoudi et moi avons créée. D'ailleurs, c'est Sektou qui nous a motivé à la créer. Avoir ces prix à Taghit, l'oasis de toute ma maturité. L'oasis où j'ai eu mes premières sensations fortes et d'adulte, notamment en organisant, en tant que délégué d'école de l'EPAU, des voyages d'études sur l'architecture traditionnelle des ksour. Je tiens à souligner que le niveau de certains courts dans la compétition internationale et même nationale était très bon ; et le jury très exigeant. Pour ma part, mériter et de vivre ce rendez-vous des coïncidences, c'est autant de bonheur que de responsabilité. Ne trouvez-vous pas que cette double consécration est également à double tranchant ? C'est pas le mot double qui est à double tranchant, c'est le mot consécration, car toute consécration est une responsabilité avant d'être du succès. Le pari, c'est de faire mieux et être digne de ce bonheur. D'une part, je suis très conscient de la responsabilité qui repose sur moi ; et d'autre part, du risque que peut provoquer le succès… Je sais que je dois faire attention pour ne pas tomber dans la facilité et la légèreté que peut créer la “célébrité”. Mais cela fait partie du métier, il faut seulement garder sa lucidité. Dans votre court, Sektou (ils se sont tus), vous troublez votre spectateur qui ne sait plus distinguer entre le réel et l'imaginaire. Mais c'est en quelque sorte, une réalité algérienne… Sektou est une fiction qui jongle avec le réalisme en mettant en scène le rêve d'un personnage. Troubler le spectateur, je ne sais pas, mais attirer son attention sur un point de vue qui est le mien sur une réalité que j'ai moi-même vécue, ce fut mon intention. J'ai toujours été attiré par la liaison du rêve, de l'imaginaire, la réalité, l'inspiration… la création vient de ce lien. En fait, plus on est sensible à la réalité qui nous entoure, que nous vivons, plus nous pouvons développer notre imaginaire. C'est exactement comme l'oeuf et la poule : on ne saura jamais qui est venu le premier, mais plus il y a de poules et plus y a d'œufs, et inversement proportionnel. J'ai appris cela grâce à un des mes enseignants d'architecture, M. Kessab (actuel directeur des Beaux-Arts d'Alger), et je l'en remercie. N'y a-t-il pas également un hommage à votre quartier (puisque le film a été tourné dans celui-ci) ? Bien sûr. Ce quartier, comme tous les quartiers d'Alger et de l'Algérie, a vécu et vit la même situation. J'ai tourné mon film dans mon propre quartier, car c'est le quartier que je connais le mieux. D'ailleurs, sans l'aide des voisins et leur solidarité, le tournage aurait été impossible. Je ne remercierai jamais assez ouled el-houma pour leur engagement et leur disponibilité. J'ai eu un magnifique accueil de leur part. Le projet Sektou leur appartient autant qu'à moi. Vous avez été assistant-réalisateur durant le tournage du long métrage Taxiphone el mektoub de Mohammed Soudani. Pourriez-vous nous parler de cette expérience-là ? Mohamed Soudani a été le directeur photo de Sektou, et ce fut une rencontre et une aventure magnifiques. Durant le tournage de mon court, il faisait très attention pour ne pas m'influencer, en disant à chaque fois : “Je ne suis là que pour t'accompagner dans ta folie.” Ajouter à cela, l'expérience de son propre film a été doublement exceptionnelle. J'ai beaucoup appris dans l'aventure Taxiphone el mektoub, dont le tournage s'est déroulé à Taghit. Ce qui prouve la capacité de cette oasis de devenir un studio à ciel ouvert digne des grands plateaux hollywoodiens. Mohamed Souidani est une école à lui tout seul. Ce que je retiens de l'homme qu'il est, c'est la générosité et la simplicité. On ne peut qu'apprendre avec lui. Je ne le remercierai jamais assez. À quand votre premier long métrage ? Le long métrage, je ne sais pas. Mais du cinéma, encore plus que jamais. S. Kh.