Saignée n Jamais l'Algérie n'a connu autant de scandales financiers et de détournements qu'au cours de la décennie précédente. Les scandales financiers se suivent, causant d'énormes préjudices au Trésor public. Il ne se passe pas un jour sans que la presse nationale fasse état de scandales économiques ou financiers liés notamment aux modes d'attribution de marchés, de réalisation d'études et d'ingénierie. Ainsi, différentes formes de dilapidation des biens publics sont dévoilées au quotidien. Corruption, passe-droit, surfacturation, sous-facturation et transfert illicite massif des devises, sont autant de méthodes qui mènent droit vers une seule victime, le trésor public et, par ricochet, le pauvre contribuable. A 10% au moins de commissions et de petits à-côtés, taux universellement admis, le chiffre d'affaires de la corruption devrait donc tourner autour de 18 milliards de dollars pour la période 2004-2009 du programme de relance du président de la République, dont le coût se chiffre à 180 milliards de dollars. Or, certaines sources estiment que celui-ci s'élève à 200 milliards de dollars. Ce qui indique, contrairement aux assurances émises par le pouvoir central, que le chiffre d'affaires de la corruption a connu une ascension par rapport aux années 1990, où il était estimé à 2 milliards de dollars par an. A titre de rappel, Abdelhamid Ibrahimi, Chef du gouvernement à l'époque de la présidence de Chadli Bendjedid, avait estimé le chiffre d'affaires de la corruption à 27 milliards de dollars, soit 10% du montant total des importations (270 milliards) pendant la décennie de son ministère. Selon les spécialistes du dossier de la corruption, les budgets alloués annuellement par le gouvernement aux secteurs des différentes régions du pays ne sont jamais dépensés par les administrations locales sans qu'elles prélèvent un bon pactole. Elus locaux, responsables aux niveaux des daïras, des APW et même des ministères, censés veiller à la bonne gestion des budgets, n'hésitent pas à «tremper le doigt dans le miel», ce qui compromet la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD). «Le manque de volonté politique afin d'endiguer le phénomène de la corruption reste important en Algérie où la répartition de la richesse demeure inégale», estiment-ils. Toutefois, les enquêtes diligentées par les services de la DRS et qui ont mis à nu plusieurs affaires de malversation et de corruption, touchant parfois même des secteurs stratégiques, ne révèlent-elles pas une volonté d'aller au fond du gouffre où reposent toutes les facettes de la corruption ? La lutte contre la corruption, que le premier magistrat utilise comme son cheval de bataille, est-elle en passe de prendre un tournant décisif ? Des questions auxquelles seules la volonté politique et la neutralité de la justice peuvent répondre.