A 60, 80, voire 100 ans, elles apprennent à frapper des poings, des pieds, de la canne : les grands-mères de Korogocho répètent chaque semaine des rudiments d'arts martiaux pour survivre dans l'un des bidonvilles les plus dangereux du Kenya. Elles sont, ce jour-là, une vingtaine en cercle sur le tatami, pieds nus, robe large et fichu sur la tête, à entourer et encourager l'une des leurs qui frappe résolument un sac de boxe en hurlant «nooooooo !» La puissance des coups laisse à désirer, mais à en croire leur professeur bénévole, c'est secondaire. «Ce n'est pas la peine de frapper fort pour être précis. La précision : tout est là», explique-t-elle à ses élèves. Et de désigner les parties vulnérables du jeune homme qui sert ce jour-là de cobaye : le nez, le menton, le genou, les clavicules, les parties génitales. Autant de points faibles du violeur potentiel que toutes redoutent. Le groupe d'autodéfense s'est formé en 2007, face aux bandes de jeunes voleurs de Korogocho qui jetaient leur dévolu sexuel sur des femmes qui avaient trois ou quatre fois leur âge. A une dizaine de km à peine du centre de la capitale Nairobi, Korogocho, avec ses quelque 155 000 habitants entassés sur 1,5 km2, est l'un des bidonvilles les plus surpeuplés du Kenya, et des plus dangereux.