Misère n Tous les jours, il rafistole sa barque, mais il ne doute pas qu'un jour, elle va se briser et le laisser sans ressources. Autrefois, il y a de cela bien longtemps, vivait un pêcheur. Il habitait dans une misérable cabane non loin de la plage. Il avait à sa charge sa femme et plusieurs enfants en bas âge, et il était si pauvre qu'il parvenait à peine à les nourrir. En fait, quand il arrivait à pêcher du poisson, sa femme et ses enfants mangeaient, quand il revenait bredouille, il n'y avait rien à se mettre sous la dent. Sa femme guettait toujours son arrivée. — Alors, la pêche a été bonne ? Quand il a ramené quelque chose, il sourit. — Oui, Dieu m'a comblé, aujourd'hui ! Sinon, il soupire : — Aujourd'hui, je n'ai pas eu de chance ! Mais il ne se départit jamais de son optimisme : — Demain, Dieu saura nous combler ! Le pêcheur – appelons-le Ali – possède une barque, mais elle tient à peine sur l'eau. Tous les jours, il la rafistole, mais il ne doute pas qu'un jour, elle va se briser et le laisser sans ressources. Chaque matin, alors que ses enfants dorment, il se lève. Sa femme se lève et lui donne les restes du repas du soir, pour lui donner des forces. Il prend juste ce qu'il faut et il en laisse aux enfants. — Mange, insiste, sa femme. — C'est suffisant, garde le reste pour toi et les enfants ! — Non, tu dois tout manger ! Tu dois prendre des forces, pour pouvoir tenir le coup toute la journée ! Ce jour-là, le pêcheur se lève avant l'aube. Sa femme se lève aussi, mais elle n'a rien à lui proposer. — Je n'ai rien à te donner ! — Même pas un morceau de galette ? — Il n'y a rien… La journée sera dure et avec le ventre vide Ali ne peut rien faire. — Je vais partir… Il se retourne. Il pense à sa femme et à ses enfants qui n'auront rien à se mettre sous la dent, jusqu'à son retour, le soir. Et encore, s'il pêche quelque chose. — Quand le jour sera levé, va du côté de la plage, tu pourras trouver des coquillages…Fais-les bouillir… — Ne t'inquiète pas ! — Peut-être que ce soir, je reviendrai avec du poisson… Nous pourrons faire un festin ! La femme sourit. — Va, que Dieu te protège ! Ali s'en va. Il va jusqu'à la plage, rompt les amarres de sa frêle embarcation et part. Il fait encore sombre, mais, pense le pauvre homme, c'est l'heure propice où les bancs de poissons se réunissent. (à suivre ...)