Rappel n C'est pratiquement en 1968 que la bête a pris des ailes pour un certain nombre de raisons qu'il ne nous appartient pas d'énumérer ici. Prenons l'exemple des viandes. De nombreux lecteurs et surtout les jeunes de la nouvelle génération seront étonnés par les prix pratiqués il y a quatre décennies. Je suis sûr que les moins jeunes auront une pieuse pensée pour ces défuntes mercuriales qui ne reviendront jamais. Entre 1950 et 1960, un mouton vif, par exemple un magnifique bélier, était vendu au marché à bestiaux des wilayas de la steppe, tels que M'sila, Djelfa, Saïda et Tiaret à 6 000 francs anciens, soit 600 Da actuels. Les anciens s'en souviennent et c'est encore frais dans leurs mémoires ! Lorsque des invités du Nord étaient reçus dans ces régions, la tradition voulait que leur hôte égorge un mouton en leur honneur, la pratique n'était pas isolée. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui évidemment. Le kilo de viande au détail sur le littoral comme au sud du pays variait entre 300 et 400 F. Mais c'est vrai aussi que les salaires étaient très bas. Un artisan qualifié ou un ouvrier spécialisé pouvait gagner jusqu'à 20 000 F par mois. Et c'était énorme. En 1966, le mouton variait entre 30 et 40 000 F vif ; et au détail, le kilo était affiché selon les marchés à 1 800 ou même 20 000 F soit 18 et 20 DA. C'est pratiquement en 1968 que la bête a pris des ailes pour un certain nombre de raisons qu'il ne nous appartient pas d'énumérer ici. 5 000 F le kilo ! Le choc était particulièrement violent pour les ménagères qui avaient pour habitude de remplir leur couffin, viande y compris, à moins de 5 000 F. Les prix resteront stables jusqu'en 1970 où l'on assiste à une première spirale tout aussi sismique. Le «ghelmi» passera alors à 6 000, puis 7 000 pour atteindre enfin les sommets jamais égalés en fin d'ascension 10 000 F. Il faut reconnaître aussi que les salaires ont parallèlement augmenté mais pas de façon substantielle. Ce qui était valable pour les viandes l'était aussi pour les légumes. En 1962, le kilo de pommes de terre était vendu dans les marchés à 150 centimes de francs c'est-à-dire à un franc et demi soit, en reconversion 1,50 DA. Un bidon de 5 litres d'huile était proposé à 1 500 F soit à peu près 15 DA actuels. Les fruits exotiques tels que la banane, le kiwi, l'avocat et l'ananas ne dépassaient jamais la marge de 1 000 F le kilo, soit 10 DA. Avec un salaire moyen de 50 000 F par mois, les fonctionnaires de l'époque pouvaient se permettre de manger de la viande et des fruits tous les jours. Mais il faut reconnaître à la décharge de ce temps-là, qu'il n'y avait presque pas de loisirs, ou si peu. Les besoins comme la voiture, l'Internet, la télévision, les frais de portable et les vacances à l'étranger viendront avec l'appétit. Et comme l'appétit vient en mangeant, il est difficile d'assurer le couvert aujourd'hui.