Résumé de la 4e partie Atteignant le fond du désespoir, Souhila va jusqu?au pont de Sidi Rached où elle se met à pleurer sur son triste sort. «Pourquoi es-tu parti papa ? Pourquoi m?as-tu laissée seule ? Toutes les autres ont un père, sauf moi ! Papa, quand viennent les fêtes de l?Aïd, notre porte est fermée et nous écoutons la joie des voisins ! Où es-tu ? ? Je suis sûre que tu m?entends !» Souhila lève les yeux. Au-dessus des gorges sauvages de légers nuages s?étirent, blancs et roses. Elle reprend sa marche. Une femme qui passe près d?elle d?un pas pressé la regarde avec étonnement, mais la jeune fille n?en a cure, elle a l?impression d?être seule sur terre, seule avec son père. Elle remonte la grande rue qui mène à Bab el-Oued, le c?ur de la ville, mais au niveau de Mila-Seghira, elle traverse et descend l?escalier qui mène à Guentrat el-Houa. Elle descend lentement l'escalier de fer qui résonne sous ses pas. Dans un grincement sourd, l?ascenseur remonte depuis le pont jusqu?à la rue, comme s?il surgissait du c?ur de la terre. De longues minutes plus tard, elle arrive enfin sur le tablier du pont étroit qui semble se balancer doucement au-dessus du vide. Souhila, tout en marchant, continue son monologue : «Baba ! comme j?aurais aimé sentir le contact de ta main ! J?ai toujours marché seule, sans toi. Les filles de mon âge font leurs études, mais nous n?avons pas assez d?argent ! Tu nous a laissé toutes les deux seules, abandonnées, misérables.» La jeune fille tend légèrement la main sous son voile, comme si elle tenait quelqu?un. «Baba, je sens maintenant ta main dans la mienne ! Je te sens près de moi, toi dont je ne connais pas le visage !» De grosses larmes coulent sur le visage de Souhila et elle marche à pas lents, d?un pas de promenade qui semble ne jamais prendre fin? Un homme la croise, portant un couffin de provisions, et elle se rappelle qu?elle n?a rien mangé depuis le matin. Comme revenue à la réalité, elle sort du pont et va s?asseoir sur le bord du ravin. Elle se penche légèrement pour regarder. En bas, le Rummel coule, terrible, bouillonnant entre les rochers? Le bruit de l?eau arrive jusqu?à elle avec un «chcht» menaçant. Face à elle, des habitations fichées dans la roche, au bord même du gouffre profond semblent être sur le point de plonger. Souhila qui, par le passé, tremblait parfois devant ce spectacle dans la crainte de voir quelqu?un tomber par la fenêtre directement dans l?abîme, est maintenant indifférente? Elle sort son petit sac de plastique noir de sous son voile et le dépose sur le rebord froid de la pierre, près d?elle. Souhila reste assise un long moment à écouter le fleuve. Les gens passent, lui jettent un coup d??il et continuent leur chemin? chacun a ses propres problèmes. «Chchch !» le bruit sourd lui remplit peu à peu la tête, elle n?entend que lui? Doucement, insensiblement, il lui semble qu?elle fait partie du fleuve, de la pierre? «Mon Dieu ! Pardonnez-moi !» elle se met debout sur la pierre, et d?un geste brusque, se couvre le visage avec un pan de son voile. «Non ! Non ! attends !» Un passant hurle et se précipite pour la rattraper, mais Souhila, qui semble rester un moment suspendue au-dessus du gouffre, bascule dans le vide, en silence.