Pathologie n Les tumeurs oculaires, surtout chez l'enfant, (rétinoblastome) et les adultes, (mélanomes), sont des maladies redoutables qui évoluent rapidement. Elles peuvent être prises en charge chez nous si des unités performantes sont créées et gérées par nos spécialistes. Ceux-ci sont capables de prendre en charge ces maladies graves et éviter ainsi les transferts vers l'étranger et les longues attentes, notamment en matière de conservation de l'œil qui n'existe pas dans notre pays. C'est ce qui ressort du 3e séminaire d'ophtalmologie qu'a abrité, samedi, le CHU de Beni Messous sur «les tumeurs oculaires» sous le haut patronage du ministère de la Santé, en collaboration avec l'hôpital ophtalmique Jules-Gonin de Lausanne (Suisse) et l'Association algérienne de lutte contre la cécité. Le rétinoblastome est une tumeur cancéreuse de la rétine qui touche les bébés dont l'âge moyen du diagnostic est de 2 à 3 ans et parfois avant la 1re année, d'après l'explication du Dr Yahiaoui, maître assistant en ophtalmo-pédiatrie au service d'ophtalmologie du CHU Mustapha, qui travaille en collaboration avec le CPMC. «Cette tumeur nous pose un problème de diagnostic, car, souvent, les parents ramènent tardivement leurs enfants», nous dit-il, et d'ajouter : «Un enfant peut loucher, non pas à cause d'une myopie, mais d'une tumeur au fond de l'œil. Si les parents remarquent une tache blanche dans l'œil, ils doivent immédiatement présente leur petit dans un milieu spécialisé en ophtalmologie. La tumeur peut également se manifester par un strabisme avant l'âge de 3 ans. Au début, l'enfant peut perdre l'œil. Et s'il n'est pas traité à temps, il perd la vie», alerte-t-il. Les spécialistes ont évoqué l'absence de certains traitements de ces pathologies graves qui conduisent au transfert des malades, notamment les enfants, vers l'étranger. «Il y a possibilité de traitement chez nous, mais il faut que la volonté collective et la formation suivent. On peut réduire d'au moins 50% le transfert à l'étranger qui est très coûteux, bien que cela n'ait pas de prix face à la vue et à la vie d'un enfant.» Le Dr Tidjani, maître assistant au service d'ophtalmologie de Beni Messous se félicite, pour sa part, de l'évolution de la prise en charge des tumeurs oculaires en Algérie – diagnostic, thérapeutique chimique, médicale et instrumentale (laser) – «Nous constatons un recul des formes historiques, où des enfants arrivaient avec des tumeurs dépassées et des métastases. Aujourd'hui, ils sont pris en charge précocement. Certains sont transférés à l'étranger pour des compléments thérapeutiques, notamment pour le traitement conservateur», nous a-t-il déclaré, souhaitant l'ouverture d'une unité performante d'oncologie médico-chirurgicale et physique (radiothérapie et traitement conservateur) pour éviter les métastases et le transfert vers l'étranger. Manque de matériel l Pour le Pr Hartani, qui gère la plus grande unité d'ophtalmologie pédiatrique en Algérie, au niveau du CHU Mustapha, certains cancers de l'œil sont parmi les plus graves pour le corps humain et leur traitement n'existe pas chez nous. «Une trentaine de cancers (mélanomes) se manifestent chaque année et la maladie évolue très rapidement menant au décès en général. Et notre service compte des spécialistes formés dans ce domaine. Ils seraient capables de prendre en charge ces malades transférés à l'étranger s'il y avait le matériel nécessaire. Nous l'avons déjà déclaré depuis 2008, aux ministères de la Santé et du Travail. Le matériel coûterait l'équivalent d'environ 2 transferts, sachant qu'un seul transfert coûte entre 150 000 et 200 000 euros à l'Etat. Sans parler des contraintes familiales, sociales et autres», nous rappelle-t-elle. Les enfants ont également besoin, selon elle, d'une radiothérapie très spécialisée, «étant donné le nombre restreint de centres de radiothérapie. Les radiothérapeutes nous disent qu'un seul rétinoblastome demande plus de temps que 20 cancers du col de l'utérus. Alors vont-ils laisser les 20 femmes pour un seul enfant ?! Voilà le problème qui se pose. Les centres de radiothérapie seront multipliés selon les promesses du ministre de la Santé et on pourra alors spécialiser un ou deux centres uniquement pour la prise en charge des pathologies oculaires», précise-t-elle. Mode de traitement l Le traitement de ces cancers, consiste, selon le Pr Nouri, chef du service d'ophtalmologie à Beni Messous, qui reçoit au moins un cas chaque mois, en une énucléation de l'œil (on enlève complètement l'œil), ce qui induit une guérison totale dans la plupart des cas. «Mais si jamais la tumeur a dépassé l'œil, on passe aux traitements lourds (chimiothérapie, radiothérapie...). Nous savons faire tous ces traitements en Algérie, lesquels sont actuellement pratiqués dans des centres spécialisés en Europe, à l'image de celui de Lausanne qui est un centre de référence mondiale en matière de prise en charge des tumeurs cancéreuses, aussi bien chez l'enfant que chez l'adulte», a-t-il souligné. Dans 20 % des cas, le rétinoblastome peut être bilatéral avec l'atteinte des 2 yeux. «Le traitement consiste à enlever l'œil le plus atteint, car il est hors de question d'enlever les 2 yeux à un enfant ! On procède à un traitement dit ''conservateur'' au niveau de l'autre œil pour préserver la fonction visuelle. Ça demande des moyens sophistiqués. Et jusqu'à présent, tous les enfants qui ont ce problème ont été transférés vers l'étranger.» Pr Nouri a émis le souhait que la partie ophtalmologique soit incluse dans la nouvelle politique du ministère de la Santé, dans la prise en charge des cancers en général. A quand le prélèvement du tissu ? l A côté des rétinoblastomes, la tumeur la plus fréquente chez l'adulte (le mélanome), qui est très souvent pourvoyeuse de métastases, présente, selon les spécialistes, un pronostic très grave qui demande un traitement et des moyens sophistiqués, au même titre que les rétinoblastomes. D'autres thèmes d'actualité ont également été abordés, comme la rétinopathie diabétique, qui est la 3e cause de cécité après la cataracte et le glaucome. Elle dépasse le cadre de l'ophtalmologiste, car elle implique d'autres intervenants (diabétologues..). Les pathologies cornéennes qui impliquent la greffe de cornée ont également été abordées. Le Pr Nouri lance un appel pour la révision de la loi de prélèvement, non pas d'organes, mais de tissus : «On ne peut plus continuer à dépendre de l'étranger et à importer des greffons. C'est un problème juridique, car aujourd'hui, on ne peut prélever que la cornée et pas l'œil du cadavre.»