Nostalgie n On pouvait, lorsque le temps le permettait, jeter l'ancre sur le bas-côté, étendre une nappe et pique-niquer avec les enfants au beau milieu de la nature. Avec une autoroute de 1 200 km d'Est en Ouest qui reliera Tlemcen à El-Kala, voyager sera certainement très agréable dans la mesure où l'automobiliste ira droit au but, directement à sa destination sans passer par les multiples hameaux et trous perdus qui peuplent habituellement son parcours. Mais malheureusement à ce niveau, c'est le charme du voyage lui-même qui disparaît et l'image de carte postale d'une certaine Algérie qui s'évanouit. Circuler par route nationale ou par des voies départementales pour rejoindre une destination donnée était certes fatigant compte tenu des bouchons et des inévitables encombrements provoqués par les poids lourds mais cela ne manquait pas de pittoresque après tout. On pouvait par exemple se laisser doubler par toutes les voitures pour musarder et apprécier le paysage. On pouvait s'arrêter, cueillir des fleurs et même prendre des photos en toute quiétude. On pouvait, lorsque le temps le permettait, jeter l'ancre sur le bas-côté de la route, étendre une nappe et pique-niquer avec les enfants au beau milieu de la nature. Ce qui leur fera toujours plaisir car ils peuvent trouver là l'occasion unique de s'égayer et de s'éparpiller en toute liberté à travers les buissons. Et puis, après plusieurs heures de conduite assommante, les automobilistes avaient bien le droit de faire un break et de se dégourdir les jambes, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui pour qui emprunterait l'autoroute. Il n'y a pas si longtemps, des familles entières prenaient la route non pas pour effectuer un quelconque voyage d'affaires ou de famille, mais tout simplement pour cueillir des fleurs de saison ou des mûres sauvages très abondantes au printemps. C'est devenu même une tradition dans certains milieux de faire ses courses carrément en rase campagne. Prenons l'exemple de la capitale. Pour éviter la cohue et surtout les prix excessifs, des automobilistes n'hésitent pas à prendre la route, surtout en fin de semaine pour acheter de gros cageots entiers d'oranges, de pamplemousses... sur la route de Blida. Il suffit de s'arrêter et de marchander sec. Même chose en Oranie où l'on peut s'approvisionner, toujours en bord de route, de toutes les qualités d'olives à la sortie de Sig. Des dizaines de producteurs exposent leurs produits l'année durant, protégés seulement par un parasol quand il pleut des hallebardes en hiver. Et c'est invariablement le long des chemins sinueux «zappés» par l'autoroute, que l'on peut faire son marché entre le village de Zahana et la ville de Sidi Bel Abbes. Là, des fermiers en rupture de saison étalent sur le bas-côté pain de campagne, lait frais de brebis, des légumes et même des escargots. On les regrettera certainement ces petites choses qui nous donnent déjà le «blues». Une nécessité l Au-delà des reliefs et des politiques nationales, l'autoroute algérienne Est-Ouest peut être considérée comme la première brique d'un autre projet encore plus grand, l'autoroute transmaghrébine qui reliera sans doute l'Atlantique côté marocain à Bizerte, Sousse ou Tunis. Le projet n'existe pas encore, il n'est même pas au stade des textes. Mais son heure viendra car il s'imposera comme une nécessité économique primordiale du Maghreb des peuples.