Résumé de la 4e partie n Vicente regarde Léon, Kikiri et Pacheco avec plus d'attention et se demande comment ces bêtes, si affectuseues avec lui, se montrent si odieuses avec les femmes ? La compagnie de ces trois animaux hors du commun ne suffit pas à peupler les nuits de Vicente. Alors, il remonte dans sa vieille camionnette, se rend à nouveau au village. Cette fois, il n'amène pas de nouvel intendant. Quand il descend, il est accompagné d'une créature de rêve pour tout paysan hondurien : grande, blonde, pratiquement du style «top model». Quel argument a bien pu conduire cette femme si peu indigène jusqu'à l'hacienda de Vicente ? L'amour des moustaches ou de la vie au grand air. Gloria, elle se nomme ainsi, est une belle jeune femme d'origine allemande. Elle vient partager le lit et les repas de Vicente quoi qu'il arrive. Elle espère bien le conduire un jour jusqu'au pied de l'autel. Elle espère devenir la señora Melendez devant Dieu et les hommes. L'arrivée de Gloria laisse Léon, Kikiri et Pacheco un peu perplexes. Les péons de l'hacienda disent même qu'ils ont l'air de tenir des conférences à l'heure de la sieste. Décident-ils d'une nouvelle stratégie pour dégoûter la nouvelle arrivante ? Et bientôt Gloria fait la connaissance des crocs menaçants de Léon, des coups de bec de Pacheco et des pincements sournois de Kikiri. Comme les autres, elle pousse tout d'abord des cris et s'étonne : — Mais qu'est-ce qu'ils ont tous les trois ? Tu les as dressés contre les femmes ou quoi ? Vicente s'excuse, hypocritement : — Ah, toi aussi ? J'aurais dû te prévenir, mais je me suis dit qu'en voyant une belle fille comme toi, ils deviendraient plus gentils... — Ils ont intérêt à le devenir, les petits mignons. Je ne suis pas du genre à me laisser mordre par des animaux mal élevés. Si tu peux le leur faire comprendre, ça leur évitera quelques ennuis. Vicente tient trop à Gloria pour demander quels ennuis elle leur réserve. Léon, Kikiri et Pacheco vont le découvrir assez vite : Gloria a la fâcheuse habitude de se promener avec de hautes bottes et une cravache à la main. A la première incartade, Léon se fait cingler la truffe d'un bon coup de cravache. Il en demeure sans voix pour le reste de la journée. Kikiri, le jars, dès la première tentative de pincement, fait aussi connaissance avec la cravache. Un bon coup à vous dégoûter d'attaquer ni par-derrière ni par-devant. Pacheco, lui, dès le premier pincement, sent que Gloria lui arrache une plume du croupion. Premier avertissement sans frais. Décidément Gloria ne se laissera pas faire. En définitive Léon disparaît un beau jour sans laisser d'adresse. Mélancolie ou recherche de son complice : Kikiri, le jars, abandonne ses oies et file à l'anglaise sans qu'on puisse retrouver sa trace. Pacheco, sans doute trop seul, décide un jour d'en finir et, prenant son élan, il s'envole jusqu'au transformateur voisin... On entend une explosion et il rend son âme au dieu des aras, perdant d'un coup la vie et ses belles plumes. L'histoire pourrait s'arrêter là mais, dans l'année qui suit la disparition des trois animaux misogynes, Vicente surprend Gloria, devenue entre-temps officiellement la señora Melendez, dans les bras de son jeune frère Felipe. Elle a pour une fois abandonné sa cravache. Vicente s'en saisit et c'est elle qui fait connaissance avec le cuir cinglant. Puis, Vicente dégaine son revolver et fait feu sur le couple. Il est trop nerveux pour les abattre, et les amants s'en tirent avec des blessures qui ne mettent pas leurs jours en danger. Felipe et Gloria décampent discrètement. L'hacienda devient définitivement l'hacienda sans femmes. Peut-être les trois animaux voulaient-ils simplement prévenir leur maître de ses malheurs conjugaux ? Pierre Bellemare