Des mentalités à changer Causes n La maladie, la pauvreté et l'ignorance sont autant de facteurs dont profitent les charlatans pour se vanter de l'étendue de leurs pouvoirs. Tout le monde entend parler d'eux et beaucoup n'hésitent pas à les consulter à la moindre petite souffrance tournant volontairement le dos à la science. Le charlatanisme, bien qu'il n'acquière pas l'adhésion de toute la société, n'en n'est pas moins présent, imposant et visible. Une pérennité qui tient son pouvoir de la crédulité d'une partie de la population. A ceux qui ont fait du charlatanisme leur métier, on reconnaît une facilité déconcertante de discours et des facéties attirant la sympathie des plus avertis. Des qualités vendues au prix d'une dépendance dont ils profitent sans état d'âme ni remords. Qu'on les appelle, «chouafatte», «guezenate» ou «taleb», ces voyants ou ces pseudo- guérisseurs font de la souffrance et de l'ignorance des citoyens un fonds de commerce très lucratif. A. B. Ils vivent aux dépens de tous ces désespérés qui croient au miracle pour trouver un travail, se marier, faire un enfant, avoir de la chance et se protéger contre le mauvais œil. Pis encore, ils ne jurent que par les bienfaits de leurs compositions mystérieuses. Elles sont censées guérir un nombre incommensurable de maladies, selon eux. Il s'agit entre autres, de la stérilité, de la migraine, de la jaunisse, de l'ulcère et la liste est encore très longue. Echappant à tout contrôle, ces soi-disant guérisseurs n'ont d'autre savoir que la sorcellerie. Elle est à la base de toutes leurs thérapies. Ce marché a pris aujourd'hui une telle ampleur que n'importe qui peut se déclarer guérisseur ou «raqi». Une réalité qui trouve son origine dans l'ignorance conjuguée au désespoir qui sévit dans la société algérienne. Le manque de sensibilisation et d'information sur la vraie «roqia» et les pratiques douteuses de ceux qui se revendiquent guérisseurs a largement joué en faveur de ce phénomène social. Pourtant, si la «roqia» en tant que médication est recommandée par la religion, elle ne peut, en aucun cas, détrôner la prise en charge médicale. «Les personnes qui vont voir un «raqi» croient en des forces de guérison à travers le Coran ou à travers des forces mystiques. Dans la quête de guérison, le malade perd ses capacités rationnelles et retombe dans la pensée magique, l'enfance et l'archaïque. Ces personnes cherchent la magie par le texte religieux», explique Mme Mouna Boudjemaâ, psychiatre. La faiblesse et la souffrance, dont parle notre psychologue, sont devenues, ainsi, une source d'enrichissement pour des personnes sans aucun scrupule. Pourtant, les lois réprimant ces agissements existent bel et bien. Ces gens sont passibles d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans, selon l'article 372 du code pénal. La loi prévoit également dans ses articles 8 et 14, dans le cas d'un grave préjudice, la perte des droits civiques et politiques. Mais faudrait-il d'abord oser dénoncer ces agissements si profondément ancrés dans la culture et les traditions de tous les algériens. Pour preuve, il n'existe pas une ville, voire un village ou un douar, où il n'y a pas une personne qui s'adonne au charlatanisme au vu et au su aussi bien de la population que des autorités. Une adhésion consciente ou inconsciente qui encourage et perpétue l'ignorance au détriment de la science. Assia Boucetta