Réalité n En dépit de la marge importante de liberté dont elles jouissent, les Algériennes continuent de subir le poids de l'esprit traditionnel de la société dans plusieurs domaines. Pour la consommation du tabac, la plupart des fumeuses choisissent des lieux discrets afin de se mettre à l'abri de regards qui les jugent et les rejettent. On ne voit d'ailleurs pas de femme fumer dans la rue. La femme fumeuse est toujours mal vue dans notre société, en dépit de l'évolution des mentalités et la manière de percevoir les comportements. «A l'université, la plupart des étudiants nous méprisent, estimant que la consommation du tabac est un comportement indécent pour la femme. D'autres s'évertuent à nous donner des conseils afin de nous inciter à arrêter de fumer. Même certains enseignants nous méprisent», témoigne un groupe d'étudiantes à la Faculté centrale d'Alger. «Les plus gentils des hommes nous disent que le tabac nuit à notre santé et à notre beauté. Les autres estiment que la consommation du tabac est contraire à notre féminité», ajoutent-elles. A la maison, il est rare qu'une femme allume une cigarette devant ses parents et cela même au sein des familles dites «civilisées». Les fumeuses interrogées dans ce sens, se disent incapables de cela en raison du respect vis-à-vis des parents, d'une part, et par peur de la réaction des ces derniers, d'autre part. La majorité de nos interlocutrices ont affirmé que leurs parents ignoraient qu'elles fumaient. Et par conséquent, elles n'osent pas fumer devant des parents et même des voisins. «Je ne veux surtout pas que mon père sache que je suis fumeuse. Car je sais qu'il va réagir de manière violente et les conséquences seront trop lourdes. J'évite même que des voisins me voient en train de fumer par crainte qu'ils informent mon papa…», affirme Hassiba, 25 ans, employée dans une administration publique. Elle ajoute que même au travail, elle fume «dans les toilettes afin d'assurer et ensuite mettre du déodorant afin d'effacer l'odeur du tabac». Rares sont celles qui ne se sentent pas gênées lorsqu'elles fument et qui n'accordent aucune considération au regard de la société. Ces dernières occupent généralement des fonctions supérieures et ont un haut niveau intellectuel, dépassant toutes les réactions des autres. Dans les séminaires, des rencontres scientifiques ou des congrès, des femmes (généralement des professeurs à l'université, chercheuses, cadres d'entreprises…) fument devant tout le monde. Ce sont des femmes totalement émancipées et indépendantes financièrement qui se comportent à leur guise. Mais ces dernières représentent une minorité dans notre société. C'est dire que le regard traditionnel envers la femme demeure de mise. Mais dans le cas du tabagisme, cela peut être bénéfique pour les fumeuses car elles sont contraintes à s'en abstenir dans certaines conditions, ce qui pourrait réduire l'effet désastreux du tabac sur leur santé. A. H.