Sidi Aïssa regarde la brebis. En effet, ses oreilles paraissent normales. Mais le saint secoue la tête : — Vous n'avez pas une bonne vue, dit-il, et je ne pense pas que Sidi Yahia manque au serment qu'il vous a fait de produire une brebis dont les oreilles mesurent deux coudées ! Les convives ont un murmure de protestation : ils n'ont pas une vue aussi basse que le dit Sidi Aïssa, ils savent faire la différence entre des oreilles normales et des oreilles de deux coudées ! Le saint ordonne qu'on lui apporte la brebis. Il appelle les hommes les plus en vue du douar et leur demande de mesurer les oreilles de la brebis. Les hommes obéissent et, stupéfaits, s'écrient : — Les oreilles ont deux coudées ! — Je vous l'ai dit, il ne fallait pas douter de la parole de Sidi Yahia qui est un homme de Dieu ! On comprend alors que le saint venait de réaliser le prodige car, au départ, il n'y avait pas de doute, les oreilles de la bête étaient normales. Sidi Aïssa prend le fils de Sidi Yahia sur ses genoux et fait pour lui une invocation. — Dieu, fasse que cet enfant devienne un pilier de Ta religion, qu'il la défende contre tes ennemis et qu'il l'illustre par des actes de piété et de ferveur. Qu'il devienne, lui aussi, un saint homme, toujours à Ton service ! Cette enfant n'est autre que le futur Sidi Mohammed el-Khider qui devait devenir, en effet, un saint réputé de la région.