Attention les enfants ! Ne jouez pas au milieu de la rue. Avec ces chauffards qui passent sans faire attention à rien ! — Oui, maman, on fait juste du patin à roulettes sur le trottoir. Mary-Ann O'Connell, la mère d'Angel et de Brendan, est bien occupée. Ce soir, on fêtera l'anniversaire de Vernon, son mari, en famille avec quelques amis et les trois enfants : Angel, 10 ans, Brendan, 6 ans, et Alice, 4 ans. Belle jeune femme, belle famille d'ouvriers en bonne santé, sous le chaud soleil de Cantina, au cœur du Nouveau-Mexique. Ce soir, il y aura un barbecue avec des côtes de porc, du gratin dauphinois, une recette française, et un énorme gâteau aux framboises. Mary-Ann est très occupée. Elle jette un coup d'œil sur la cour de l'immeuble et crie une dernière recommandation : — Et défense de parler aux gens que vous ne connaissez pas. Compris ? Et attention, Angel, de ne pas revenir avec ton pull-over neuf tout dégoûtant. J'ai mis trop de temps à te le tricoter ! Il faut dire que le pull-over d'Angel, c'est quelque chose : rouge écarlate avec dans le dos une superbe inscription entourée d'étoiles, «Angel». Un ange qui ressemble plus à Superman qu'aux icônes de l'Église catholique apostolique et romaine, mais enfin Angel est content : c'est le principal après tout ! Angel et Brendan sont rejoints par deux copains du voisinage. Les gamins sont très occupés à nouer les lacets de leurs patins à roulettes. Brendan fait un peu la moue : il est encore trop petit pour en faire. Alors, il galope à côté des autres en attendant d'être assez grand pour avoir lui aussi sa paire de patins rien qu'à lui... — Les enfants ! Les enfants ! Angel, Brendan et compagnie ne prêtent pas attention à la voix qui les interpelle. La voix, masculine, insiste : — Les enfants ! Vous pourriez peut-être m'aider ? Au bout de la rue une voiture stationne. Un homme en descend. Il s'approche des gamins. Il tient sa main gauche dans sa poche. — Vous pourriez me donner un coup de main ? Je cherche mon petit chat. Il doit être perdu, ça fait trois jours qu'il n'est pas rentré à la maison. — Votre petit chat ? Et il est comment, votre petit chat ? L'homme s'approche ; il peut avoir 30 à 35 ans, a l'air sportif, le visage bronzé. Il arbore une moustache blonde et des yeux gris sous d'épais sourcils… — Il est très mignon. Il a une jolie petite frimousse. Mais j'y pense, j'ai une photo de lui sur le pare-brise de ma voiture. Venez, je vais vous la faire voir. Les gamins se dirigent vers la voiture, une vieille Buick à l'allure bizarre. Elle est peinte en blanc avec de grandes rayures rouges. Angel se dit : «C'est la première fois que je vois cette bagnole.» Comme la voiture est garée en haut de la montée, les patineurs ont un peu de mal à avancer. Brendan, chaussé de petites sandales, les devance facilement. A présent, l'homme est penché à l'intérieur de la voiture. — Tiens, regarde ! Brendan tend le cou pour voir la photographie du chat perdu. Il aperçoit un cliché noir et blanc sur papier glacé. Mais soudain il pousse un cri. Avec la photo l'homme a sorti un couteau à cran d'arrêt de sa poche gauche. Il attrape Brendan par le bras et tente de le jeter à l'intérieur de la voiture. Angel remarque alors que le moteur est resté en marche. Mais Brendan résiste et commence à pleurer. Les copains du quartier, apeurés, s'égaillent comme une volée de moineaux en poussant des cris : — Papa ! Maman ! Au secours ! Angel s'enfuirait bien lui aussi mais en tant qu'aîné de la famille O'Connell, il se sent investi d'une responsabilité vis-à-vis de Brendan. Angel arrive près de l'homme et, sans hésiter, lui décoche un grand coup de patin en plein sur le tibia. L'homme pousse un cri de rage : — Espèce de petit salaud ! (à suivre...)