Lu-Lung est une toute petite cité, située au pied d'une très haute montagne, dans la Chine lointaine. La ville est tellement petite que tout le monde s'y connaît. Les maisons sont tellement proches les unes des autres qu'en hiver, lorsqu'il gèle à pierre fendre, on a réellement l'impression qu'elles se protègent du froid les unes les autres. Dans la ville de Lu-Lung vit depuis très très longtemps une pauvre veuve. La femme a un fils : un garçon superbe qu'elle a appelé Wang, le nom que portait déjà son grand-père. Dans la ville de Lu-Lung, personne n'est aussi fort ni aussi courageux que Wang. Sans rien en dire, toutes les femmes envient la pauvre veuve d'avoir un fils aussi fort et aussi courageux. Wang et sa mère mènent une vie paisiblement heureuse si ce n'est la présence dans la maison d'à côté de l'usurier Yu. Ils sont constamment ennuyés par lui. Le vieil homme est malade de jalousie devant la force et la jeunesse de Wang et il ne rate aucune occasion pour tourmenter le jeune homme et sa mère. Sans cesse, il leur fait des remarques désobligeantes. Bien sûr, c'est de la méchanceté gratuite mais au fil des jours les remarques commencent à peser sur Wang et sa mère. Un soir, alors que Wang est assis dans le jardin devant la maisonnette, Yu demande à la veuve : «Comment se fait-il que ton fils vive toujours chez toi ? Il me semblait que les jeunes de son âge étaient mariés depuis bien longtemps. Sans doute, les jeunes filles de Lu-Lung ne sont pas assez bien pour lui et il attend une princesse…» La veuve, très digne, le toise avant de lui répondre : — «Après tout, pourquoi pas ? Ton idée n'est pas si bête en somme. Wang est le jeune homme le plus beau et le plus courageux de toute la région. Une princesse ferait certainement une bonne affaire en l'épousant !» L'usurier se met à rire et dit : — «Dans ce cas, il risque d'attendre très longtemps. Dans la région, il n'y a pas de princesse !» Cependant, fort en colère et dépité, il rentre chez lui en claquant la porte de son logis. La veuve se demande bien pourquoi un vieil homme peut être encore aussi méchant. S'il était plus gentil, il serait sans aucun doute plus heureux et tout le monde l'aimerait… Elle regarde son fils avec des yeux pleins de tendresse et lui dit : — «C'est vrai dans le fond ! Je suis certaine qu'une princesse serait très heureuse avec toi !» Wang sourit : — «Le voisin a raison : il n'y a pas de princesse dans la région. Et puis, si j'en trouvais une comment pourrions-nous l'accueillir dans cette petite maison ?» Wang se lève et prend gentiment sa maman par l'épaule. — «Viens, dit-il, Rentrons ! Il est inutile de rêver. Jouons plutôt une partie de dominos.» Les années passent. Rien de bien important n'arrive dans la vie de Wang et de sa mère. Le garçon devient de plus en plus beau et de plus en plus fort mais ne parle toujours pas de se marier. Sa mère est hantée par les paroles du vieil usurier et ne peut que soupirer. Il lui semble parfois que son fils attend vraiment une princesse qui accepte de l'épouser... (à suivre...)