Résumé de la 1re partie n Maurice traîne sa misère de RMlste avec la peur de finir un jour à l'hôpital. Mais il pense à Filoche, le chien qu'il a recueilli… Filoche saute en l'air en voyant Maurice prendre la laisse. Pluie ou pas, le caniche aime bien se promener avec son nouveau maître. Dehors, un épais brouillard semble être tombé sur la ville. L'air est tellement humide qu'on ne sait pas s'il pleut ou si l'on est dans un nuage humide. Maurice et Filoche rentrent la tête dans les épaules et se mettent en route suivant leur parcours habituel. Ils se mettent en route vers leur destin mais ils l'ignorent encore... À deux kilomètres de là, deux autres «chiens perdus sans collier» se hâtent en direction de la gare. Un couple a priori bien assorti : lui est âgé d'une trentaine d'années, le crâne rasé à la mode d'aujourd'hui, blouson de cuir et blue-jeans ; elle, une jeune femme fluette, brune, vêtue d'un blouson de toile et d'une jupe de cuir. Le tout trempé car tous deux marchent sous la pluie depuis une heure. Leurs santiags pointues et éculées font de tristes flic-flac quand ils passent dans les innombrables fondrières de la route transformée en bourbier. Jamais un porteur de santiags ne devrait s'éloigner de son cheval... ou du moins de sa moto. Mais il a bazardé sa Mitsubishi depuis longtemps. Le garçon bougonne : — Ah, bordel ! Tu parles d'une sortie ! Pas demain que tu m'y reprendras à aller voir ta grand-mère. Pour ce que ça a rapporté ! Elle nous a fait bouffer un lapin squelettique ! Et tu crois que la vieille garce nous aurait refilé un petit billet pour voir venir ? Mais qu'est-ce qu'elle croit, qu'elle va l'emporter au diable tout son pognon ? Paméla, tu m'entends ou je parle dans le vide ? La jeune femme, pliée en deux pour éviter la pluie, répond d'une voix sourde : — Tu exagères, Jojo, c'est elle qui nous paye l'hôtel. Elle n'a pas de gros moyens. Et puis même si le lapin était maigre, tu n'as pas craché sur les canettes ni le whisky. — Tu veux que je t'en retourne une ? Insiste un peu et tu vas voir... De toute évidence, Jojo, autrement dit Georges, en a un bon coup dans le nez. Et il doit avoir le vin mauvais car Paméla se tient à distance respectueuse, dix pas derrière lui, hors de portée de ses bras de boxeur sous-alimenté. Jojo et Paméla, tout en évitant les flaques, s'engagent à l'extrémité sud du pont qui traverse la Varlaise. Du côté nord, Maurice Soulemard et Filoche s'engagent aussi sur le pont. Comme la pluie tombe dru et que la nuit tombe aussi, ils ne s'aperçoivent pas. Ils pourraient même se rater complètement si, par malchance, ils n'empruntaient tous les quatre le même trottoir. Maurice ne remarque pas un groupe d'adolescents quand il passe tout près du kiosque à musique. Ils sont une douzaine, garçons et filles, serrés les uns contre les autres. Un poste de radio diffuse des airs à la mode. Or, personne ne danse ; tout le groupe, assis sur les marches, se tient chaud. Quelqu'un dit : — Tiens, voilà le vieux et son clebs. Le «vieux» : si Maurice savait que le voisinage le surnomme ainsi, lui qui a à peine 45 ans... Pour l'instant, il s'est mis en tête de traverser la Varlaise. Il y a de l'autre côté de la rivière un buisson qui semble faire les délices de Filoche et de tous les chiens du quartier. Fâcheuse idée... Jojo, toujours d'aussi mauvaise humeur, progresse sur le pont. Maurice et Filoche arrivent en sens inverse. Au moment où ils se croisent, Filoche, intrigué, se rue sur les santiags de Jojo, histoire de renifler cette odeur étrange. Jojo n'apprécie pas cette inspection : — Tu vas te barrer, sale clebs ! (à suivre...)