Confrontation n Il n'y a pas plus tranché que l'opposition de styles en quart de finale du Mondial-2010 entre l'offensive Espagne et sa possession de balle, et l'hermétique Paraguay en quête d'un exploit renversant, samedi soir à Johannesburg (19h30). Les Européens veulent retrouver le dernier carré d'une Coupe du monde soixante ans après leur unique apparition à ce stade (ils avaient terminé 4e en 1950), tandis que les Sud-Américains ont déjà réussi en Afrique du Sud leur meilleure performance en atteignant les quarts de finale. Un pays enclavé au coeur de son continent, aux vertus défensives (un seul but encaissé) mais sans grande force de frappe offensive... Le Paraguay pourrait avoir de la Suisse dans les idées: les Helvètes avaient fait chuter d'entrée l'Espagne (1-0), malgré une écrasante domination ibérique. "Je n'aurais pas à convaincre les gens qu'il ne faut plus commettre d'erreurs comme nous l'avons fait contre la Suisse au premier tour, a noté le sélectionneur espagnol, Vicente Del Bosque. Il faut prendre le Paraguay au sérieux. Ils ont de très bons défenseurs et attaquants. Nous devrons être totalement engagés dans ce match". "Je suis sûr que nous allons rencontrer une sélection paraguayenne qui va rester en défense, comme l'ont fait de nombreuses autres équipes contre nous, a abondé l'attaquant Llorente. Nous avons l'habitude d'être confrontés à cela". Ce fut le cas de la Suisse, donc, et du Portugal, que l'Espagne n'a battu qu'avec la plus petite marge (1-0) en 8e de finale. Bref, la Roja, même en demeurant fidèle à son "toque", ce jeu de passes courtes, attend toujours le match qui mettrait en conformité son statut et les attentes qu'elle suscite. Pour cela, Vicente Del Bosque compte sur son duo barcelonais Xavi-Iniesta, à l'origine de l'unique but contre le Portugal, et sur Villa, l'auteur de ce but, son quatrième personnel au Mondial-2010, qui en fait le meilleur buteur du tournoi (à égalité avec l'Argentin Higuain avant les quarts). A moins que Torres ne se réveille ? Le N.9, qui revient certes de blessure, a déçu. Le sélectionneur lui maintient sa confiance, mais jusqu'à quand ? Surtout quand piaffent sur le banc d'autres solutions offensives pour épauler Villa, que ce soit Llorente, auteur d'une entrée remarquée contre le Portugal, ou Silva, Navas, Pedro voire Fabregas un cran plus bas... Et si c'était l'attaque paraguayenne qui se réveillait ? Aucun des trois buts marqués par l'Albirroja (le plus faible total parmi les huit quart-finalistes) ne l'a été par un attaquant. La vedette Santa Cruz piétine, ses coéquipiers Barrios et Nelson Valdez ne font guère mieux. "Notre jeu repose sur un fort pressing avec des attaquants qui défendent beaucoup. Du coup, n'importe qui dans l'équipe peut marquer", relativise Santa Cruz. Le buteur rappelle aussi que les Guaranis ont "l'habitude de ce genre de match contre des équipes comme le Brésil ou l'Argentine". Face auxquelles ils ont présenté un bilan positif en qualifications: deux victoires, un nul et une défaite. L'Espagne est prévenue. Les équipes probables Paraguay : Villar (cap.) - Bonet, Da Silva, Alcaraz, Morel - Vera, Caceres, Riveros - Santa Cruz, Benitez - Barrios Sélectionneur: Gerardo Martino (ARG) Maillot : rouge et blanc Espagne : Casillas (cap.) - Sergio Ramos, Puyol, Piqué, Capdevila - Busquets - Xavi, Xabi Alonso, Iniesta - Torres (ou Llorente), Villa Sélectionneur: Vicente Del Bosque Maillot : bleu foncé Arbitre : Carlos Batres (GUA) La langue, cet atout majeur Guarani contre catalan l Le Paraguay, qui tentera de se qualifier contre l'Espagne pour sa première demi-finale d'un Mondial, s'appuiera sur sa solide défense et sa traditionnelle rage de vaincre, mais avec un atout de plus: le guarani, une langue déroutante pour ses adversaires hispanophones. "Cette façon de communiquer nous est fondamentale, notre langue est la clé de tout ce que nous pouvons réaliser sur le terrain", assure le défenseur central Julio Cesar Caceres. Sur la pelouse de l'Ellis Park de Johannesburg ce soir, l'Espagnol Carles Puyol aura du mal à saisir les ndyry (attaquer), mbota (tirer), hasa (passer) lancés par le Paraguayen Roque Santa Cruz à ses coéquipiers. Surtout sur les phases de jeu arrêté, où les consignes indéchiffrables se doublent de multiples combinaisons. Cette particularité linguistique du Paraguay est déjà apparue à travers l'histoire sportive, notamment en Copa America, que l'Albirroja n'a remportée qu'à deux reprises (1953 et 1979). Mais cette barrière de la langue s'est parfois faite sentir au sein même de la sélection. L'attaquant Lucas Barrios et les milieux Jonathan Santana et Nestor Ortigoza, tous d'origine argentine, ont subi les moqueries de leurs équipiers et ont dû apprendre le guarani. Mais l'Espagne n'est pas en reste. Sa colonie catalane, en force dans la sélection avec six joueurs, pourra toujours parler sa langue pour dérouter l'adversaire. Et pour ces deux nations qui n'ont jamais atteint les demi-finales d'un Mondial, le mot perdre - "perdre" en catalan, "hundi" en guarani - est banni. Trois confrontations seulement l L'Espagne et le Paraguay ne se sont affrontés que trois fois et ne s'étaient jamais rencontrés avant un pâle 0-0 au Mondial-1998. Ce nul ne fit pas les affaires des Espagnols, devancés au premier tour par les Guaranis et le Nigeria. Huit ans plus tard, et toujours en Coupe du monde, l'Espagne battait nettement le Paraguay (3-1), un doublé de Fernando Morientes et un penalty de Fernando Hierro répondant à un but contre son camp concédé d'entrée par Carles Puyol. A l'automne suivant, un premier match amical entre les deux nations se soldait par un autre 0-0. Le Paraguay n'a encore jamais battu l'Espagne. Les trois confrontations : 16/10/2002 à Logroño, Espagne et Paraguay 0-0 (Amical) 07/06/2002 à Jeongju, Espagne bat Paraguay 3-1 (Mondial-2002) 19/06/1998 à Saint-Etienne, Espagne et Paraguay 0-0 (Mondial-1998) Fabregas : «On peut entrer dans l'histoire» l «L'Espagne a déjà eu assez de leçons dans son histoire, que ce soit en Coupe du monde ou dans un Championnat d'Europe. On est champion d'Europe, mais ce qui s'est passé il y a deux ans n'entre plus en ligne de compte. Dans le football, tout peut arriver, et le football espagnol a déjà eu son lot de désillusions. On peut entrer dans l'histoire avec cette équipe, d'autant qu'on ne sait pas si cette équipe rejouera dans cette configuration en Coupe du monde. En Espagne, les gens ne se satisferont pas d'un quart de finale. Il faut aller au bout. On connaît la plupart des joueurs du Paraguay. Cette équipe est très compétitive, elle aime le combat et elle se battra jusqu'au bout. Il faudra jouer comme on sait le faire, avec beaucoup de mouvements et d'appels de balles. Avec les joueurs qu'on a, on doit arriver à se créer beaucoup d'occasions. On a tout ce qu'il faut pour trouver une solution face au Paraguay, mais il faut être conscient que même si le Paraguay n'est pas souvent parvenu à marquer, ils ont des attaquants de grande qualité auxquels une seule occasion peut suffire pour la mettre au fond. On peut entrer dans l'histoire. Martino : «Empêcher l'Espagne de faire circuler le ballon» l Pour la première participation du Paraguay à un quart de finale de Coupe du monde samedi, son sélectionneur, l'Argentin Gerardo Martino, ne voit qu'une solution pour perturber l'Espagne: "il faut l'empêcher de faire circuler le ballon comme elle sait si bien le faire", a-t-il préconisé : «En football, il faut s'attendre à tout, un match se joue sur 90 minutes. On s'attend toujours à ce que le Brésil aille en finale, mais les Pays-Bas ont bien joué et le Brésil leur a facilité la tâche avec des erreurs grossières. L'Espagne joue bien, mais l'Allemagne est séduisante aussi, tout comme l'Argentine qui est, pour moi, la meilleure équipe parmi les huit quarts de finalistes. Nous allons disputer ce match pour le gagner. Dans une Coupe du monde, ce n'est pas toujours l'équipe qui joue le mieux qui gagne ou se qualifie, mais c'est l'équipe qui montre le plus de courage, le plus de coeur et le plus de combativité. L'Espagne a un tel le monopole du ballon avec 65-70% qu'on est bien obligé d'avoir un dispositif très défensif. Certaines équipes ont essayé d'être plus offensives, mais ce n'est pas facile devant une telle équipe. Il ne s'agira pas tant pour nous d'améliorer notre circulation du ballon que d'empêcher l'Espagne de faire circuler le ballon comme elle sait si bien le faire. Nous avons bien joué par périodes contre l'Italie et la Slovaquie, mais nous n'avons pas encore livré de match plein. Cela serait bien de commencer samedi et de battre en brèche notre image d'équipe qui ne fait que défendre». Le programme d'aujourd'hui A Cap Town (15h00) : Allemagne - Argentine A Johannesburg (19h30) : Espagne - Paraguay