Ce qui ne veut nullement dire que lorsque les convois militaires français bénéficiaient d'une couverture aérienne — généralement un avion mouchard un chasseur-bombardier T6 Morane, — nous renoncions à nos embuscades. J'en veux pour preuve le fait, bien connu de tous, que le 28 février 1957, à Duplex (Damous, actuellement), un important convoi composé de plusieurs dizaines de camions militaires et d'un half-track sont tombés dans l'une de nos embuscades, dont on devait longtemps parler comme étant l'opération militaire la plus spectaculaire jamais entreprise par l'ALN, dans la wilaya IV. Au cours de cette mémorable embuscade, il y avait un avion mouchard Piper-Cub qui escortait le convoi. A la dernière minute, le pilote de l'avion, s'étant aperçu que des moudjahidine tendaient une embuscade au convoi, s'en est allé donner l'alerte à ses chefs, mais un moudjahid qui avait repéré sa manœuvre ne lui en laissa pas le temps et l'abattit avec un fusil-mitrailleur. Par ailleurs, et pour abonder dans le même sens, on notera que, dix jours auparavant, dans la même région et à seulement une dizaine de kilomètres de ce lieu, un convoi militaire composé de cinq camions GMC et d'un half-track, venant de Tizi-Franco et se dirigeant vers Marceau (actuellement Béni Menacer), était tombé dans une embuscade soigneusement mise au point par les trois valeureux chefs : Si Zoubir, Si Hamdane et Si Moussa. Bilan de cette opération : la totalité des soldats français tués, tous les véhicules brûlés et un important lot d'armes récupéré, dont une mitrailleuse 12/7, deux fusils-mitrailleurs FM Bar, plusieurs fusils Garant, MAS 36, MAS 56, MAT 49, pistolets, une carabine US et la fameuse mitrailleuse 30 américaine que Si Zoubir avait affectée au troisième groupe qui avait mis hors d'état de nuire la jeep et ses passagers ! Ce jour-là, celui qui se sert de cette arme si redoutable et efficace, n'était autre que Si Ahmed Khelassi, un tireur hors pair ! La grande déconvenue que nous avait causée cette embuscade si «bêtement» ratée n'aurait certes pas dû nous affecter outre mesure. Nous devions nous rappeler, à chaque instant de notre lutte, que les officiers et les soldats ennemis étaient des hommes surentraînés, mieux nourris et mieux équipés que nous l'étions nous-mêmes. Beaucoup d'entre eux avaient fait leurs preuves dans d'autres guerres —, celle d'Indochine, par exemple, qui avait toutes les allures de la guerre d'Algérie. De plus, leurs officiers avaient fait les plus grandes et plus prestigieuses écoles militaires de France (Saint-Cyr, Saint-Maixent, etc.) Notre cher compagnon, Si Khaled, n'arrêtait pas de se culpabiliser et de s'adresser tous les reproches pour son malheureux geste, répétant sans cesse : «C'est par ma faute que l'embuscade n'a pas réussi !» De notre côté, nous lui répliquions très sincèrement et sans aucune complaisance qu'il n'avait absolument rien à se reprocher et qu'il devait donc arrêter de s'accuser pour une chose qui relevait de la Volonté de Dieu et du destin qu'il a assigné à toutes les créatures, Mektoub Allah ! Bien plus tard, Si Khaled de Koléa devait tomber les armes à la main au cours d'un autre accrochage. (à suivre...)