Si Moussa Kellouaz alla discuter avec eux. Une demi-heure plus tard, celui-ci nous fit appel à un rassemblement dans un hangar. Nous avions remarqué que Si Moussa avait les yeux tout rouges et embués de larmes. Il nous a dit : «Mes frères, il faut avoir du courage, j'ai à vous annoncer une douloureuse et pénible nouvelle : Si Zoubir est mort, tombé au champ d'honneur, Allah yarahmou, (que Dieu l'ait en Sa miséricorde !)» Atterrés par ce que venait de nous annoncer Si Moussa, nous refusions d'y croire : «Non, ce n'est pas vrai, disions-nous, ce n'est pas possible ! Si Zoubir n'est pas mort !» Pourtant, c'était vrai, hélas, et nous avons tous été foudroyés par le choc de ce malheur qui s'abattait sur nos têtes, en nous ravissant notre chef. Sans retenue, comme des enfants orphelins pleurant leur père, nous nous sommes mis à pleurer notre valeureux martyr. Reprenant la parole, Si Moussa nous rappela à l'ordre et à la réalité : «Allons donc, mes frères, ayez du courage et de la foi, pour nous, Si Zoubir, n'est pas mort, il est toujours vivant dans nos cœurs.» Quelques instants plus tard, sont arrivés des fidaïyine parmi eux il y avait, M'hamed Mouaz, dit Si Billel, de Koléa, et Si Zoubir Zouraghi, de Blida. Ils nous ont ainsi raconté comment, le 22 février 1957, Si Zoubir et vingt-sept étudiants et lycéens (parmi lesquels une jeune fille) avaient trouvé la mort au douar de Sbaghnia. Le 22 février 1957, très tôt le matin, le commandement de la wilaya IV avait chargé Si Zoubir d'aller au douar Sbaghnia où se trouvaient plus de quatre cents (400) étudiants, lycéens et lycéennes qui ont fui les villes, après avoir fait la grève générale. Si Zoubir avait demandé à son secrétaire Si Khaled, de Koléa, de l'accompagner, mais celui-ci lui répondit : «Si Zoubir, je ne peux venir avec toi, car j'ai plusieurs rapports d'activité à finir.» Si Zoubir a insisté encore une fois : «Allez, viens, une balle de 12/7, et on n'est plus de ce monde.» Puis Si Zoubir est parti tout seul rejoindre les étudiants au douar Sbaghnia. Il a commencé par sélectionner ceux qu'il pouvait garder au maquis, pour en faire des secrétaires, des commissaires politiques, des agents de renseignement ou des intendants. Quant aux autres, ils devaient être acheminés vers la Tunisie ou le Maroc, afin d'y poursuivre leurs études. La présence d'étudiants en si grand nombre dans ce douar et la longueur du séjour qu'ils y firent avaient fait qu'un mouchard a pu les dénoncer aux Français. Vers trois heures de l'après-midi, ils s'étaient retrouvés encerclés par une quinzaine d'hélicoptères Sikorsky. Tout de suite, Si Zoubir donnera l'ordre aux étudiants de se replier en remontant l'oued, tandis qu'il entreprenait tout seul l'accrochage, en mitraillant les appareils de l'ennemi pour les empêcher de se poser et de déverser leurs flots de soldats. Depuis les hélicoptères, les soldats s'étaient mis à tirer sur Si Zoubir, qui, tel un lion furieux, n'avait pas cessé ses tirs, tout en criant aux étudiants : «Montez ! Montez vite !». Mais une balle de 12/7 l'a atteint au cou, et c'est ainsi qu'il est mort sur le coup, comme il l'avait lui-même prédit à Si Khaled le matin même. (à suivre...)