«Mais nous, sans arrêter notre jeu, nous lui répondions qu'il ne devait pas trop compter sur ça, car nous allions tous jouir avant lui de l'honneur de la Chahâda fî sabîl Allah Après le ftoûr (la rupture du jeûne), nous avons pu déguster la succulente zlabia promise par Si Abderrahmane Sahnoun. Nous avons entonné quelques hymnes patriotiques : Min Djibalina, Fidaou El Djazaïr, etc. Après quoi, nous avons accompli notre prière en suppliant Dieu de nous faire sortir victorieux de la bataille du lendemain. Si Moussa nous ordonna de prendre quelques heures de repos pour pouvoir être en forme, car la journée suivante risquait d'être très dure et très éprouvante pour nous. Le vendredi 26 avril 1957, à 2 heures du matin, nous avons quitté silencieusement notre refuge pour aller reprendre notre emplacement de la veille, à quelques centaines de mètres du douar Sidi Mohand Aklouche. Il faisait toujours un froid de canard, car nous n'étions pas loin du littoral et de la route nationale reliant Cherchell à Gouraya. Ce fut vers 6 heures du matin que nous avons commencé à entendre le ronflement des moteurs des camions militaires, sans cependant parvenir à déterminer exactement de quel côté il émanait. Comme l'endroit où nous étions tenus embusqués se trouvait séparé du douar par une clairière et un champ de blé, nous avons tout à coup aperçu les soldats français, les uns encerclant le douar, alors que les autres, disposés en formation de combat, avançaient dans notre direction. Nous avons vite compris que nous avions été dénoncés, ce qui en fait n'avait rien d'étonnant, car nous nous étions trop attardés dans le secteur, alors que d'habitude nous ne restions jamais plus d'une journée au même endroit. Le plan d'attaque que nous avions échafaudé devenait donc inopérant, et nous nous retrouvions ainsi contraints par la force des événements à changer rapidement de tactique. Le soleil se levait à l'horizon, et nous ne pouvions faire face à l'ennemi. Si Moussa, dont le sang-froid et la présence d'esprit étaient incomparables, nous ordonna de nous replier à la hâte. Certes, nous étions tous rongés au fond de nos cœurs par le désir ardent de livrer combat à l'ennemi, sur-le-champ et sans plus tarder, car nous avions l'avantage d'être dans la forêt, alors que l'ennemi se trouvait à découvert. Mais Si Moussa cherchait surtout à gagner du temps, en attendant de pouvoir adopter une autre position stratégique plus correcte et plus efficace. Une distance de 80 à 100 mètres nous séparait des soldats ennemis, qui avançaient toujours vers nous. Nous pouvions parfaitement percevoir et entendre la voix du commandant qui leur hurlait à pleins poumons «Avancez, avancez, et faites feu à volonté.» Quand ils commencèrent à nous tirer dessus, nous en fûmes quelque peu inquiets, car, pour notre part, nous n'avions pas reçu l'ordre de riposter. Si Moussa nous ordonna de nous replier sur nos arrières, alors que l'ennemi n'arrêtait pas son offensive. Fort heureusement nous étions dans une forêt très dense, dont les arbres nous assuraient la plus efficace des protections. (à suivre...)