Phénomène n Difficile de visiter El-Oued sans apercevoir les charrettes et les carrioles sillonnant les rues jusqu'à devenir un élément du décor de la ville aux mille coupoles. El-cariola (carriole), comme l'appelle la population locale, demeure un moyen de locomotion très sollicité pour le transport de différents produits au regard de l'avantage économique qu'elle offre et de sa capacité de circulation dans les rues étroites et les terrains particulièrement sablonneux de cette région saharienne. Sans se soucier de l'étymologie linguistique de leur appellation, el-crawliya (les charretiers) se targuent d'avoir un moyen de transport non seulement concurrent des derniers-nés de l'industrie automobile utilitaire, mais aussi une source sûre de revenus. Abdelhafid, quadragénaire, assure qu'il se poste dès les premières lueurs du jour, devant les entrepôts de vente de matériaux de construction pour arracher une course matinale, dont les tarifs oscillent entre 200 et 500 DA selon la charge, la distance et l'état de la carriole dont le coût d'investissement avoisine les 100 000 DA. Un peu plus de la moitié de cette somme servira à l'achat d'une bête de somme, de préférence un cheval relativement jeune, le reste étant destiné à l'acquisition de la charrette et les équipements d'harnachement, selon lui. Salim, charretier de 35 ans qui a hérité le métier de son père depuis presque deux décennies, reconnaît que lui et ses «collègues» ne disposent d'aucun document couvrant leur activité qui, admet-il, permet des gains «nets d'impôts». Affichant sa fierté d'être charretier, Salim s'est fait une notoriété auprès de la population et a réussi à gagner la confiance de nombreux clients qui n'hésitent pas à faire appel à ses services, la plupart du temps pour le transport de matériaux de construction. Aidé en cela par sa parfaite connaissance des dédales de la ville, il affirme exercer «savamment» ce métier, en empruntant les meilleurs et les plus sûrs raccourcis pour rejoindre les vieux quartiers, évitant ainsi les embouteillages mais aussi... le risque de tomber nez à nez avec la police. Activant sans autorisation de circulation dûment délivrée par les autorités, comme l'avouent plusieurs d'entre eux, ces transporteurs ont proliféré ces dernières années à la faveur d'un regain de développement dans la région, surtout dans la construction et le commerce des fruits et légumes. Madani Kettal, chargé de la cellule de communication à la sûreté de wilaya d'El-Oued, signale que nombre de charretiers font fi du code de la route, et révèle qu'à l'issue de campagnes menées dernièrement, près de 70 charrettes, dépourvues de normes minimales de sécurité routière, ont été mises à la fourrière communale.