"Superglu" chez Kadhafi Logique guerrière : «J?ai tué ton père, j?ai tué ta mère : vote pour moi si tu veux la paix», était l?un de ses slogans de campagne électorale. C?est l?histoire d?un self-made-man. Esprit vif, malin, le jeune Charles Taylor a franchi l?Atlantique et, finalement, a décroché un diplôme en sciences économiques au Bentley College de Waltham, dans le Massachusetts. En 1980, quand le sergent-chef Samuel Doe fait exécuter, sur la plage de Monrovia, l?élite régnante, pour devenir le premier «natif» à s?asseoir sur le fauteuil présidentiel, Charles Taylor rentre au Liberia. Il devient l?intendant en chef de la nouvelle administration, un poste bien plus lucratif qu?un portefeuille ministériel. Mais «Superglu» trouble la comptabilité du président, qui l?accuse de lui avoir volé 1 million de dollars ; Charles Taylor doit fuir le pays. Il se réfugie aux Etats-Unis, la première patrie de tous ceux ? c?est la devise nationale ? que «l?amour de la liberté» est censé avoir transportés sur une plage africaine : les descendants d?un bateau. Faisant l?objet d?un mandat d?arrêt international, Charles Taylor est appréhendé et mis en prison. Du temps de la guerre froide, l?Amérique ne badine pas avec les humeurs de ses alliés locaux. Cependant, en nouant des draps comme dans un film de série B, Charles Taylor s?évade, en 1985, de la maison d?arrêt de Boston. Ensuite, on perd sa trace, le temps qu?il se mue en «combattant», grâce aux pétrodollars du colonel Kadhafi. Celui-ci, dans les années 1980, recrute et entraîne tous ceux que l?Afrique sahélienne compte d?opposants «révolutionnaires». A la tête d?un groupe d?exilés, Charles Taylor réside alors à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Jusqu?au bout de la guerre civile qu?il déclenche dans son propre pays, à Noël 1989, jusqu?à la guerre de pillage que ses fidèles mèneront dans l?ouest de la Côte d?Ivoire, à partir de novembre 2002, en passant par des guerres «exportées» en Sierra Leone et ? sans grand succès ? en Guinée, l?axe Tripoli-Ouagadougou-Monrovia restera la diagonale de la déstabilisation régionale. Sept ans de combats fratricides au Liberia livrent à Charles Taylor un pays exsangue. Endeuillés, abrutis par d?incessantes saturnales, les Libériens se résignent, en 1997, à élire le principal Warlord comme président, avec plus de 70% des voix. «C?est vrai que j?ai tout gâché, mais donnez-moi une chance pour le réparer», était l?un des slogans de sa campagne électorale. L?autre était plus brutal : «J?ai tué ton père, j?ai tué ta mère : vote pour moi si tu veux la paix». Quand Charles Taylor prête serment, il semble viser le bien après avoir infligé le mal. «Dans notre quête pour la guérison des blessures et des souffrances, la réconciliation nationale est la clé», assure-t-il. Trois ans plus tard, face à une «kleptocratie» qui n?a même pas su rétablir l?eau et l?électricité dans la capitale, contre une dictature qui met le feu aux pays voisins, les Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (Lurd) reprennent le maquis. Ce mouvement rebelle sera soutenu de plus en plus par les Etats-Unis.