Lord of War, Blood Diamonds ou Johnny Mad Dog : rarement un dictateur africain n'aura autant inspiré le cinéma comme l'a fait Charles Taylor. Le parcours de l'ancien président du Liberia aura fécondé l'imagination d'au moins trois réalisateurs. En mal, bien sûr... Car, là où rôdait Charles Taylor, il y avait des armes, des larmes, du sang, de la folie et des crimes par centaines de milliers. Aujourd'hui, Charles Taylor, ancien président du Liberia et seigneur de guerre de 61 ans, est jugé pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au tribunal pénal international à La Haye. Bien sûr, lui, dément les accusations selon lesquelles il aurait dirigé, en sous-main, les rebelles sierra-léonais pendant la guerre civile dans les années 1990 qui a fait au moins 120 000 morts. Coupable ou innocent, le tsar de Monrovia doit répondre de 11 chefs d'inculpation dont meurtres, tortures, viols, enrôlement d'enfants soldats, esclavage sexuel et recours au travail forcé. Charles Ghankay Dahkpannah Taylor est né en 1948 dans une banlieue aisée de Monrovia, d'un père et d'une mère d'origine afro-américaine. Après des études d'économie au Bentley College (Massachusetts), il devient, en 1979, agent dans la Fonction publique libérienne. Son passage lui vaudra le surnom de « superglu » pour sa propension à accaparer les deniers publics. Accusé d'avoir détourné 900 000 dollars, il prend la poudre d'escampette en 1983 pour atterrir aux Etats-Unis. Emprisonné, il réussira tout de même à s'évader avant de trouver refuge en Côte-d'Ivoire, puis en Libye. Au pays de Mouammar, il passera de nombreuses années dans des camps d'entraînement qui le prépareront à une sanglante conquête du pouvoir. En 1989, il retourne à nouveau au Liberia pour y déloger l'équipe régnante. Pour arriver à ses fins, Taylor s'appuiera sur une armée d'enfants soldats, des machines à tuer, souvent drogués, shootés à l'alcool, des fanatiques capables de massacrer le sourire aux coins des lèvres. Les témoignages d'enfants rescapés de ces tueries glacent de terreur. Ils étaient dressés pour tuer, y compris leur père et mère, dressés pour violer et mutiler hommes, femmes et enfants, dressés pour piller. De cette équipée sanglante, on retiendra cette expression désormais célèbre : « manches courtes–manches longues ». Les manches courtes c'est quand on ampute les avant-bras du patient à partir du coude, les manches longues, lorsqu'on ampute les deux bras jusqu' aux poignets. Elu en 1997 avec un slogan de terreur « Il a tué mon père, il a tué ma mère, mais je vote pour lui », Charles Taylor est finalement chassé du pouvoir en 2003. Il s'exile au Nigeria d'où il a été extradé à La Haye en 2006.