Impressionnant «C?est trop triste, trop sombre», songe Zahia, habituée à l?appartement paternel baigné de lumière. Avec un petit serrement au c?ur, Zahia appuie sur la sonnette et attend. Tout de suite, comme si elle l?avait attendue, la maîtresse de maison ouvre la porte verrouillée à double tour. Elle est d?une beauté stupéfiante et Zahia reste quelques secondes, sans rien dire, à la contempler. Son visage, légèrement maquillé, est sans expression, comme un masque figé et, sur sa robe de soie rouge vif scintille un lourd collier de louis d?or. Légèrement intimidée, la jeune fille dit : ? Bonjour, je viens pour l?emploi de femme de ménage dont j?ai lu l?annonce dans le journal. Sans un mot, la femme s?efface et lui fait signe d?entrer. Son étonnement passé, la jeune fille, pétillante de curiosité, ne perd pas un détail de l?intérieur où elle pénètre pour la première fois, et de la femme dont elle ne voit, pour le moment, que le dos très droit, presque rigide, sous une robe d?intérieur serrée à la taille par une ceinture d?argent. Ouvert sur une terrasse donnant sur la mer, le salon est large, encombré de meubles lourds et foncés. La lumière semble tamisée par les branches des palmiers plantés dans la cour, retombant en vrac sur la terrasse, comme un écran. ? Attends une minute, je reviens ! La voix est basse, comme un souffle. La femme s?éclipse par une porte et la visiteuse reste seule. «C?est trop triste, trop sombre», songe Zahia, habituée à l?appartement paternel baigné de soleil du matin au soir. La bibliothèque imposante, en ébène, est chargée de livres à reliure verte et rouge, avec des inscriptions dorées ; les fauteuils de cuir marron semblent avoir été déposés là depuis des siècles. Tout semble figé, démodé et installé là pour durer une éternité. Quelques tableaux représentant de vagues paysages aux couleurs pastel ajoutent à l?impression de tristesse et de sévérité des lieux. La jeune fille jette un coup d??il à la terrasse. Derrière des palmiers qui n?ont pas été taillés depuis longtemps, elle aperçoit dans les trous de lumière, l?azur de la mer, car la villa de Si Merouane, le riche homme d?affaires chez qui elle s?est présentée, est située à quelques mètres seulement de la plage, dans un quartier huppé où Zahia n?avait jamais mis les pieds auparavant. Ce n?est que lorsqu?elle tourne la tête de nouveau qu?elle aperçoit, debout dans l?encoignure d?une porte, la jeune femme en robe rouge. Zahia ne peut réprimer un léger sursaut, elle ne l?avait pas entendue arriver. (à suivre...)