Résumé de la 5e partie n La nuit était si noire que le roi n'a pu s'apercevoir de la tromperie qu'on lui faisait, si bien qu'il s'approcha de la fenêtre et dit à Truitonne tout ce qu'il aurait dit à Florine pour la persuader de sa passion… Elle lui dit qu'elle avait pour marraine une fée qu'on appelait Soussio, qui était fort célèbre, et qu'elle était d'avis d'aller au château. Quoique le roi ne sut pas le chemin, il n'eut qu'à dire à ses grosses grenouilles de l'y conduire ; elles connaissaient la carte générale de l'univers et en peu de temps elles menèrent le roi et Truitonne chez Soussio. Le château était si bien éclairé qu'en arrivant le roi aurait reconnu son erreur si la princesse ne s'était soigneusement couverte de son voile. Elle demanda sa marraine ; elle lui parla en particulier et lui conta comme quoi elle avait attrapé Charmant et qu'elle la priait de l'apaiser. «Ah ! ma fille, dit la fée, la chose ne sera pas facile : il aime trop Florine; je suis certaine qu'il va nous faire désespérer.» Cependant, le roi les attendait dans une salle dont les murs étaient de diamants si clairs et si nets qu'il vit au travers Soussio et Truitonne causer ensemble. Il croyait rêver. «Quoi ? disait-il... Ai-je été trahi ? Les démons ont-ils apporté cette ennemie de notre repos ? Vient-elle pour troubler mon mariage ? Ma chère Florine ne paraît point ! Son père l'a peut-être suivie !» Il pensait mille choses qui commençaient à le désoler mais ce fut bien pis quand elles entrèrent dans la salle et que Soussio lui dit d'un ton absolu : «Roi Charmant, voici la princesse Truitonne, à laquelle vous avez donné votre foi ; elle est ma filleule, et je souhaite que vous l'épousiez tout à l'heure. — Moi, s'écria-t-il, moi, j'épouserais ce petit monstre ! Vous me croyez d'un naturel bien docile quand vous me faites de telles propositions : sachez que je ne lui ai rien promis. Si elle dit autrement, elle en a... — N'achevez pas, interrompit Soussio, et ne soyez jamais assez hardi pour me manquer de respect. — Je consens, répliqua le roi, de vous respecter autant qu'une fée est respectable, pourvu que vous me rendiez ma princesse. — Est-ce que je ne la suis pas? Parjure ! s'écria Truitonne en lui montrant sa bague. A qui as-tu donné cet anneau pour gage de ta foi ? A qui as-tu parlé à la petite fenêtre si ce n'est pas à moi ? — Comment donc ? reprit-il. J'ai été déçu et trompé ? Non, non, je n'en serai point la dupe ! Allons, allons, mes grenouilles, mes grenouilles, je veux partir tout à l'heure!. — Oh ! ce n'est pas une chose en votre pouvoir si je n'y consens», dit Soussio. Elle le toucha et ses pieds s'attachèrent au parquet comme si on les y avait cloués. «Quand vous me lapiderez, lui dit le roi, quand vous m'écorcherez, je ne serai point à une autre qu'à Florine : j'y suis résolu, et vous pouvez après cela user de votre pouvoir à votre gré.» Soussio employa la douceur, les menaces, les promesses, les prières. Truitonne pleura, cria, gémit, se fâcha, s'apaisa. Le roi ne disait pas un mot, et les regardant toutes deux avec l'air du monde le plus indigné il ne répondait rien à tous leurs verbiages. Il se passa ainsi vingt jours et vingt nuits sans qu'elles cessassent de parler, sans manger, sans dormir et sans s'asseoir. (à suivre...)