En dépit des problèmes internes, M. Taylor a compromis son pays dans plusieurs conflits sous-régionaux depuis son accession au pouvoir. Les gouvernements voisins sont préoccupés par le fait que «l?ordre du jour de M. Taylor» pourrait déstabiliser leur pays d?une manière significative, si l?on en croit les observateurs régionaux. En août, le président Ahmed Tejan Kabbah de la Sierra Leone a formellement demandé à l?ONU de proroger le mandat de sa force de maintien de la paix, la Mission des Nations unies en Sierra Leone (Minusil) dans son pays, «car l?escalade du conflit au Liberia menace encore une fois de déstabiliser la région tout entière». La Sierra Leone émerge à peine de dix années de guerre civile, lancée à partir du Liberia par les Rebelles du front révolutionnaire unis (RUF), dirigés par Foday Sankoh. Appuyé par M. Taylor, le RUF a mené l?une des guerres les plus cruelles jamais connues. Les rebelles ont pillé, violé et amputé des milliers de Sierra-Léonais jusqu?à ce que la Minusil ait fait cesser la guerre en janvier 2002. Le RUF maintient des relations étroites avec M. Taylor et il semblerait que Sam Bockarie, un de ses commandants, vit au Liberia, d?après des sources à Monrovia. Certains des combattants rebelles ont également été incorporés dans l?unité d?élite antiterroriste de M. Taylor, ont-elles déclaré. M. Kabbah, qui porte sa requête en vue d?une reconduite du mandat de la Minusil devant le Conseil de sécurité dans le courant de cette semaine, a déclaré dans une lettre au secrétariat général de l?ONU, Kofi Annan, qu?il faut que la force reste dans son pays pour au moins trois autres mois afin de garantir la paix. En juin, des officiels de la Sierra Leone ont indiqué à Irin qu?ils prévoient jusqu?à 125 000 rapatriés et réfugiés du Liberia en raison du conflit en cours dans ce pays. «Les élections générales au Liberia se dérouleront dans moins d?un an? L?inquiétude du gouvernement de la Sierra Leone concerne un retrait prématuré des Casques bleus internationaux», a souligné M. Kabbah. Le gouvernement libérien a annoncé la tenue, l?an prochain, d?élections présidentielle et parlementaire. Mais les sources s?attendent à ce que la plupart des opposants n?y participent pas. «Nous nous souvenons avec un profond regret des événements qui ont suivi le départ précoce de l?Ecomog (Groupe de suivi de la Communauté économique des Etats d?Afrique de l?Ouest) de la Sierra Leone avant le déploiement d?un nombre adéquat de contingents de la Minusil», a-t-il ajouté. Le Liberia de Taylor est aussi un motif de fortes préoccupations pour la Guinée, selon des diplomates en poste dans la région. Hormis le fait d?héberger des flux réguliers de réfugiés libériens, surtout aux abords des régions frontalières comme Macenta, la Guinée est aussi accusée par le gouvernement de Monrovia d?abriter des forces rebelles. Entre juillet et août derniers, les forces gouvernementales libériennes ont repoussé les rebelles du mouvement Lurd vers la frontière guinéenne. Des informations publiées par la presse ont indiqué que les rebelles ont franchi la frontière pour se regrouper en Guinée. La radio Kiss FM, qui appartient à la famille de M. Taylor, a rapporté que les «terroristes sont retournés à leurs bases en Guinée». Alarmé par l?agacement avec lequel Monrovia perçoit la présence des rebelles hostiles à M. Taylor dans son pays, le président guinéen, Lansana Conté, a déclaré à des journalistes le 8 septembre : «Il n?y a pas de rebelles libériens en Guinée». M. Taylor est convaincu du contraire et des diplomates à Monrovia ont confié à Irin qu?il n?a jamais caché son aversion pour la Guinée. En 1999, des individus armés ont attaqué des villages guinéens aux abords de la frontière avec le Liberia, ce qui n?a pas manqué d?alimenter des soupçons quant au fait que M. Taylor tente de déstabiliser la Guinée. M. Conté a menacé d?envahir le Liberia, mais n?a pas donné de suite à sa menace. La détérioration des relations entre les membres de l?Union du fleuve Mano s?est accrue à la suite de l?expulsion des ambassadeurs de Guinée et de Sierra Leone en 2001 par M. Taylor qui a prétendu que ces pays apportaient leur appui aux rebelles libériens qui se battent contre lui. D?après des diplomates en Afrique de l?Ouest, M. Taylor nourrit de nouveaux soupçons à l?égard du Burkina Faso car le président Blaise Campaore a accueilli une réunion des exilés libériens au début de cette année. Paradoxalement, le Burkina Faso avait appuyé M. Taylor durant la guerre civile libérienne. Les relations se sont également refroidies entre M. Taylor et la Côte d?Ivoire, en dépit du fait que son premier groupe de rebelles libériens avait vu le jour dans ce pays en 1989. La Côte d?Ivoire estime que M. Taylor est devenu très proche des anciens chefs de file de tribus situées à proximité de la frontière libérienne et pas du gouvernement ivoirien, toujours selon des analystes. La Côte d?Ivoire héberge des milliers de réfugiés libériens, et certains opposants à M. Taylor, notamment son adversaire politique Ellen Johnson Sirleaf, qui a émergé comme l?une des figures de ralliement de la diaspora libérienne y résidant.