La situation s'est brusquement détériorée au Liberia où la rébellion campe aux portes de la capitale. L'étau semble se resserrer de plus en plus sur le président libérien Charles Taylor qui fait face à la rébellion des «Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie» (Lurd) lesquels ont investi ces derniers jours la capitale Monrovia, lançant au président Taylor un ultimatum pour quitter le pouvoir. La subite détérioration de la situation, avec de violents combats autour de la capitale, a incité plusieurs pays occidentaux à faire évacuer leurs ressortissants de Monrovia dimanche et lundi. Les Etats-Unis ont dépêché des unités militaires, pour protéger leurs ressortissants et leur ambassade à Monrovia, a déclaré, mardi, le président Bush. Le Liberia, le tout premier Etat africain indépendant, créé à la fin du XIXe siècle par les descendants d'anciens esclaves américains affranchis, est entré en instabilité à la fin des années 70 suite au coup d'Etat du sergent Samuel K Doé, qui déposa le président William Tolbert. Depuis, cela a été, pour le Liberia, une longue suite de guerres civiles, dont la plus sanglante a été celle déclenchée en 1989 par Charles Taylor. En 1997 celui-ci atteint son but de régner sur le Liberia en devenant président d'un pays dévasté, et une capitale, Monrovia, en ruine. Le Liberia n'a eu que deux ans de répit, à l'issue desquels une nouvelle rébellion se déclara en 1999, conduite par les Lurd (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie), une formation qui aurait été, selon certaines sources, suscitée et financée par les Etats-Unis, qui n'ont jamais reconnu la mainmise de Taylor sur le Liberia. Dans un pays ravagé par les guerres civiles successives, l'opulence ostentatoire des dirigeants détonne, et constitue un affligeant contraste avec la condition miséreuse de la population libérienne, l'une des plus démunies du continent africain, où pourtant la pauvreté est une des réalités les mieux partagées. Un pays à la dérive où le nouveau pouvoir ne semblait pas avoir inscrit le redressement et le développement parmi ses priorités. Dans cette situation de déliquescence la rébellion, qui se réclame de la démocratie et de la libération du peuple, avait eu beau jeu pour regrouper tous les exclus, ceux qui veulent reconstruire un pays pillé et à l'abandon. En réalité la guerre civile (1989-1997), qui a fait plus de 200.000 morts et induit la destruction en grande partie de l'infrastructure du pays, a laissé sur place un seul maître: Charles Taylor. Mais la chance de Charles Taylor semble avoir tourné, ce dernier, accusé d'avoir suscité la rébellion sierra-léonaise, (du Front révolutionnaire uni (RUF) de Foday Sankoh - actuellement jugé par un tribunal spécial pour la Sierra Leone), et qui ne serait pas étranger, dit-on, à la crise qui secoue, depuis septembre 2002, l'ouest de la Côte-d'Ivoire - dont la population est de la même ethnie que le président libérien - est maintenant dans le collimateur des Nations unies. C'est ainsi que le président Charles Taylor se trouve sous le coup de plusieurs inculpations, notamment dans l'affaire dite des «diamants de sang» de la Sierra Leone. Compliquant un peu plus sa situation personnelle, le tribunal spécial pour la Sierra Leone, auquel est associée l'ONU, avait inculpé, mercredi dernier, le président libérien, au moment où celui-ci se trouvait à Accra (Ghana) pour des négociations de paix avec la rébellion. Resserrant l'étau, le Conseil de sécurité avait, le mois dernier, reconduit les sanctions imposées par l'ONU à Charles Taylor et à son régime (embargo sur les armes, restriction sur les déplacements à l'étranger notamment...) dans le cadre de l'affaire des «diamants de sang». Charles Taylor est ainsi rattrapé par les affaires. Au plan interne, les pourparlers entre le président Taylor et la rébellion des Lurd ont tourné court alors que la situation s'est brusquement détériorée, notamment après l'annonce, jeudi, par Charles Taylor, d'une tentative de coup d'Etat, fomenté, selon lui, par certains dirigeants - parmi lesquels, semble-t-il, le vice-président Moses Blah - soutenus par une ambassade étrangère qu'il n'a pas citée. Cette tentative de putsch précipita le retour dans la capitale libérienne du président Taylor inculpé le même jour, à Freetown, par le tribunal spécial pour la Sierre Leone. En fait, au Liberia la confusion est aujourd'hui générale, d'autant plus qu'un deuxième mouvement active au Liberia, le Mouvement pour la démocratie au Liberia (Model) luttant pour le même objectif que les Lurd: la chute du régime de Taylor et l'instauration des libertés et de la démocratie au Liberia. Selon des sources diplomatiques à Monrovia, ces deux mouvements contrôleraient de 40 à 60% du territoire libérien. Charles Taylor, dont l'aura pâlit quelque peu, se prépare à des jours difficiles. Notons que le Conseil de sécurité, après une réunion d'urgence, a exigé, mardi, des belligérants libériens un «arrêt immédiat des combats» appelant, dans le même temps, à la reprise des pourparlers.