75e partie Je lui ai dis alors : «Non Si Moussa, c'est toi qui as demandé que je quitte la Katiba El-Hamdania. Tu dois être mécontent de moi.» Il me répondit, à moitié fâché : «tu te trompes Si Cherif. Je t'aime bien et je suis très peiné de ton départ. Tu as été brave et loyal. Ton apport a été considérable au sein de notre Katiba El-Hamdania. Je te prie de me croire.» Je lui, ai répondu alors : «Où vais-je aller ? je suis né au sein de cette unité. Je ne veux pas être séparé de mes frères de combat. Je te demande de me garder dans la Katiba puisque tu penses que mon apport y est appréciable, et que j'y serais sans doute plus utile que partout ailleurs. Sans cela, force me serait de considérer que je suis la victime d'une sanction que tu as prise contre moi.» Comprenant que je voulais lui forcer la main, en exerçant sur lui une sorte de chantage moral, il éluda le propos en enchaînant sur les idées qu'il développait auparavant : «Je suis très fier que tu aies été le premier de ma Katiba à avoir été désigné par le commandement pour occuper une responsabilité. Je sais que tu es en mesure de bien l'assumer. D'ailleurs, qui d'autre parmi mes hommes aurait pu être désigné ? Tu es le seul à savoir lire et écrire aussi bien l'arabe et le français. De plus, tu as fait tes preuves sur le terrain en affrontant courageusement maintes fois la mort sans jamais reculer. Tu as même été un moussebel, un fidai, ce qui t'a donné le droit d'entrer dans le commando Si Zoubir. Tu y as bravement et loyalement gagné ta place et tes galons.» Loin de lâcher prise moi non plus, je suis revenu à la charge une fois de plus en rétorquant : «Si Moussa, je t'en prie, je ne peux pas supporter de me séparer de mes compagnons avec lesquels j'ai contemplé la mort maintes fois. Vous êtes ma famille. Vous êtes tout pour moi.» De nouveau, les larmes me montaient aux yeux sans que je ne puisse rien faire pour les retenir. Mes compagnons, mes frères, avaient vraiment raison de considérer que j'étais trop sensible. Si Moussa, désirant sans doute couper court à cette discussion qui s'éternisait et où l'émotion finissait par triompher, menaçant de le faire pleurer à son tour, me rétorqua d'un air faussement bourru : «allons Si Cherif, tu sais très bien pourquoi tu as été choisi comme responsable ? Tu sais mieux que quiconque que le commandement de notre Wilaya a pris la ferme décision qu'à l'avenir les futurs cadres du FLN/ALN doivent sortir des commandos ou des Katibate. Ils doivent ainsi avoir servi sur le terrain, avoir affronté l'ennemi, et savoir dans quelles conditions difficiles sont menés les combats, que nous ne remportons qu'au prix de mille et une astuces et miracles, à défaut de moyens. Un plus grand soutien de la part de nos supérieurs ne serait donc pas de trop. Or, qui mieux que nos anciens compagnons, qui ont vu la mort, la faim, la fatigue, le froid avec nous, pourraient nous comprendre et agir en conséquence autant de fois que nécessaire. Les nouveaux responsables sont choisis parmi ceux qui ne connaissent pas la fatigue d'une longue et harassante marche, la souffrance du combat, la faim de plusieurs jours, la soif, dormir dehors sous la pluie, sur la neige, connaître l'attente de l'ennemi pour se lancer sur lui en embuscade, ignorant aussi bien la mort que la peur, combattre courageusement dans un accrochage, savoir se sacrifier, être bon, généreux et brave. Mohamed-Cherif Ould El-Hocine A suivre