Résumé de la 22e partie n L'embarcation s'engage dans un chenal. Manœuvrant habilement, l'Arabe accoste. Carmichaël gravit l'escalier glissant qui monte au quai… Encore qu'il n'y eût dans l'agitation des souks rien que du normal et que nul ne parût s'intéresser à sa présence... Carmichaël acquit peu à peu la certitude qu'une menace rôdait autour de lui. Il n'aurait pu préciser d'où il tenait cette conviction ; il était à peu près sûr qu'il n'était ni suivi ni surveillé mais il sentait le danger. Son instinct, celui d'un homme qui avait été traqué bien des fois, ne le trompait pas : la chose ne faisait pour lui aucun doute. Il prit une ruelle obscure, tourna à droite, puis à gauche, passa sous une voûte pour arriver enfin dans une khan circulaire, entourée de boutiques de toutes sortes. Il s'arrêta devant l'une d'elles. Des ferwahs, des vestes en peau de mouton fabriquées dans le nord, pendaient à l'étalage. Le marchand était en train d'offrir du café à un de ses clients, un homme grand et barbu, d'allure distinguée, dont le tarbouche s'ornait d'un ruban vert, ce qui prouvait que le personnage était un hadji, un musulman ayant fait le pèlerinage de La Mecque. Carmichaël palpa un ferwah et demanda : — Besh hadha ? — Sept dinars. — Trop cher ! Le hadji en terminait avec le marchand. — Les tapis me seront livrés aujourd'hui ? — Sans faute. Vous partez demain ? — A l'aube, pour Kerbéla. — Kerbéla ? dit Carmichaël. Je suis de là-bas mais il y a maintenant quinze ans que je n'ai vu le tombeau de Hossein. — C'est une ville sainte, déclara le hadji. Sans se retourner, le marchand informa son client éventuel qu'il avait à l'intérieur des ferwahs à meilleur prix. — Ce que je veux, reprit Carmichaël, c'est un ferwah blanc. — J'en ai dans l'arrière-boutique... Du doigt, le marchand montrait la porte ouverte dans le mur du fond. Les choses se passaient normalement. La conversation avait été de celles qui s'entendent tous les jours dans les souks mais les mots-clefs étaient bien venus dans l'ordre : Kerbéla, ferwah blanc. Ce fut seulement en pénétrant dans la boutique que Carmichaël, regardant le marchand pour la première fois, découvrit que son visage n'était pas celui qu'il attendait. Il n'avait vu l'homme qu'une fois mais il était sûr de ne pas se tromper. Le marchand lui ressemblait, et même beaucoup, mais ce n'était pas l'homme que Carmichaël comptait rencontrer. S'arrêtant, il demanda, d'un ton un peu surpris : — Où donc est Salah Hassan ? — Mon pauvre frère est mort il y a trois jours. C'est moi qui lui ai succédé... L'affaire n'avait rien d'invraisemblable. La ressemblance était certaine et le frère du mort pouvait, lui aussi, travailler pour l'Intelligence Service. Carmichaël, pourtant plus que jamais sur ses gardes, passa dans l'arrière-boutique, une petite pièce étroite et mal éclairée. (à suivre...)