InfoSoir : Quel est votre constat sur le cancer du col en Algérie ? Le Dr Assia Moussei : Le dépistage se fait de manière anarchique et la prévention secondaire reste insuffisante. L'attention devrait être portée sur la prévention primaire, qui consiste en la vaccination, pour une éradication efficace du cancer du col et des maladies sexuellement transmissibles liées aux Hpv. D'incroyables efforts sont déployés par l'Etat dans ce sens, mais on ne sait toujours pas à quel niveau cela bloque et pourquoi on n'arrive pas à réduire l'incidence de cette pathologie. Les médecins ont-ils été préparés pour un programme de prévention ? La cytologie se retrouve au cœur de la détection du cancer par dépistage microscopique. C'est pour cette raison que les professionnels de la santé doivent impérativement bénéficier, dans le cadre de la formation continue, de stages pour la détection précoce de ce type de cancer, notamment à l'intérieur du pays. Les médias doivent aussi jouer leur rôle de prévention contre les risques encourus, notamment les médias lourds, parfois la seule source d'information pour les femmes qui se trouvent dans des localités déshéritées ou éloignées. En quoi consiste la prévention contre ce type de cancer ? La prévention primaire est la suppression des facteurs cancérogènes avant qu'ils aient induit la maladie et la prévention secondaire consiste en la détection et le traitement des lésions précancéreuses avant qu'elles ne se soient transformées en cancer invasif. Le premier frottis cervico-vaginal devrait se faire au plus tard à l'âge de 25 ans, le 2e, un an après. Si les 2 frottis sont normaux, il faut refaire un frottis de contrôle tous les 5 ans. Dans le cas où l'infection serait déjà au 2e ou 3e stade (lésion modérée ou sévère), la colposcopie est nécessaire pour effectuer une biopsie. Quels conseils donneriez-vous aux femmes ? Etre porteuse des virus HPV peut exposer à des conséquences à moyen et à long termes. A moyen terme, les virus peuvent entraîner des lésions précancéreuses qui peuvent être traitées par une intervention relativement simple : on retire une partie du col de l'utérus (conisation). Ce traitement, même simple, expose néanmoins à des risques de complications lors des grossesses ultérieures : fausse couche ou accouchement prématuré. Une surveillance gynécologique stricte est nécessaire ainsi qu'un dépistage après le 1er rapport sexuel. Que préconisez-vous pour un meilleur dépistage ? La plupart des femmes vont éliminer spontanément ce virus en 12 à 24 mois. Mais certaines ne vont pas l'éliminer et risquent de développer ce cancer. Ce sont ces femmes-là qui doivent être ciblées par un programme de dépistage. Malheureusement, pour des raisons de mauvais accueil, de salles d'attente encombrées ou simplement faute de moyens, elles ne reviennent plus. C'est le cas d'un dispensaire à l'est du pays où l'on procède à l'examen au frottis mais pas à la biopsie, en cas de résultats anormaux. Beaucoup de femmes ne peuvent pas se permettre des examens chez le privé, surtout si cliniquement, elles voient qu'elles ne présentent aucun symptôme. Et... 10 ans plus tard, c'est le cancer invasif ! Quels sont les signes de cette pathologie et ses facteurs de risque ? L'infection virale en elle-même n'est pas symptomatique. La femme ne sent pas qu'elle a une infection, car c'est un travail cellulaire silencieux, pas comme les infections bactériennes. Elle peut présenter des saignements, des douleurs lombaires, des œdèmes des membres inférieurs, des problèmes urinaires et autres signes. Les principaux facteurs à risque concernent généralement les femmes qui ont fait beaucoup d'enfants, la multiplicité des partenaires, l'usage à long terme de contraceptifs oraux, les femmes atteintes du virus du sida et les fumeuses. Quelles sont les chances de guérison ? Quand on découvre un cancer au stade 1 au niveau du col, on a 85% à 95% de survie à 5 ans avec une lourde chirurgie. Mais il suffit qu'elle arrive au stade 4 pour qu'on se retrouve avec une chance de survie de moins de 3%. Et la vaccination ? Le vaccin est en cours d'homologation chez nous. Depuis l'utilisation en 2006, il a été noté une réduction non seulement de l'incidence de la maladie, mais aussi les autres maladies génitales en parallèle en relation avec le hpv (verrues, condylomes.. ). La vaccination à l'âge de la puberté serait recommandée... En effet, la plupart des jeunes filles sont toujours scolarisées à cet âge. Il serait, à mon avis, pratique d'intégrer la vaccination dans le programme de santé scolaire. Car si elles s'arrêtent à l'école, où seront-elles vaccinées ?