Révélations n Tous les ingrédients sont réunis en France pour faire de l'«affaire Karachi» un scandale d'Etat, dont le Président Nicolas Sarkozy peine à se tenir à l'écart.. Contrats d'armement opaques, financement politique illégal, secret défense et attentat sanglant au Pakistan. L'affaire «Karachi», a pris une nouvelle dimension cette semaine avec l'entrée en scène de l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin, ennemi juré du président français, sur fond de haines et de rivalités dans la droite française. Devant la justice, Dominique de Villepin a affirmé jeudi avoir «de forts soupçons» de financement via des rétrocommissions de « tel ou tel parti soutenant la majorité du Premier ministre », Edouard Balladur, en 1994, d'après des extraits de son audition publiés hier vendredi par le site internet du quotidien Le Monde. Edouard Balladur était alors chef du gouvernement et candidat à l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy l'un de ses ministres et aussi son porte-parole de campagne. Car la justice française s'intéresse à un circuit de corruption présumé ayant accompagné la vente de sous-marins au Pakistan et de frégates à l'Arabie Saoudite en 1994. A des commissions versées à des décideurs, légales à cette époque, se seraient ajoutées des «rétrocommissions» par lesquelles une partie des sommes revenait illégalement en France au profit de responsables Français. Dès 1995, les experts du Conseil constitutionnel avaient préconisé, mais en vain, le «rejet des comptes de campagne» présidentielle d'Edouard Balladur, doutant de l'origine de fonds versés en liquide. Défait au premier tour de l'élection en 1995 face à Jacques Chirac, Edouard Balladur n'a pas réagi à ces dernières révélations. En avril 2010, il avait démenti tout agissement illicite. Nicolas Sarkozy, qui assure n'avoir eu aucune connaissance d'éventuelles rétrocommissions, s'est violemment emporté en fin de semaine dernière contre la presse accusée de le mettre en cause sans preuve. Interrogé sur la déposition de Dominique de Villepin, le Premier ministre François Fillon n'a pas souhaité s'exprimer hier vendredi, fustigeant seulement les «torrents d'imprécisions des commentateurs». Mais l'affaire Karachi ne se limite pas à un soupçon de corruption. Sur l'insistance des familles de victimes, la justice cherche aussi à établir s'il y a un lien entre ce circuit de corruption et un attentat à Karachi en 2002 qui a coûté la vie à 15 personnes dont 11 Français, travaillant à la fabrication des sous-marins. Il pourrait s'agir de « représailles pakistanaises» à la suite de l'arrêt du versement des commissions par la France sur ce contrat. Après s'être focalisée sur la piste Al-Qaîda, la justice qui peine à obtenir de nombreux documents classés «secret défense», s'intéresse désormais de près à cette thèse. Jacques Chirac a «souhaité moraliser la vie publique internationale, c'est-à-dire interrompre tous les contrats qui avaient ou pouvaient donner lieu à rétrocommissions», avait expliqué la semaine dernière Dominique de Villepin, plus proche conseiller présidentiel en 1995. «J'ai indiqué au juge qu'il ne peut y avoir à mon sens aucun lien entre l'attentat de Karachi et l'arrêt du versement des commissions», a-t-il cependant ajouté jeudi, dernier, à la sortie de son audition devant le juge.