Incertitudes n Les bureaux de vote ont ouvert leurs portes ce dimanche matin aux 5,7 millions d'Ivoiriens qui devront choisir entre le président sortant et un ex-Premier ministre. A Gagnoa au centre-ouest du pays, fief du chef de l'Etat, une file d'un millier de personnes, qui attendaient parfois depuis plusieurs heures dans le calme, a commencé à s'ébranler vers les isoloirs dans des bureaux installés dans une école primaire du centre-ville. A Abidjan, dans un bureau du quartier populaire d'Adjamé au nord, les opérations de vote n'avaient pas encore commencé pour les nombreux électeurs présents. «C'est la vie de la Côte d'Ivoire qui se joue aujourd'hui», a lancé à la foule une responsable électorale. Le second tour de cette présidentielle historique qui doit clore une décennie de crise politico-militaire se tient dans un climat de haute tension. Alors que la campagne du premier tour, comme le vote lui-même, se sont déroulés sans gros incident, la semaine d'avant le second tour a été marquée par des affrontements entre partisans du président sortant, Laurent Gbagbo, et le Premier ministre, Alassane Ouattara, qui avaient réuni respectivement 38% et 32% des suffrages le 31 octobre. Bilan : un militant pro-Gbagbo tué, de nombreux blessés à Abidjan et à travers le pays. Dans le quartier populaire d'Abobo, bastion abidjanais du candidat Ouattara, la mort d'au moins trois personnes, hier samedi lors de heurts entre police et opposants protestant contre l'instauration d'un couvre-feu nocturne, a porté cette tension à son comble. La mesure, entrée en vigueur hier samedi et valable jusqu'à mercredi prochain, a été décrétée à la surprise générale par le chef de l'Etat, qui a dit vouloir ainsi «dissuader quelques extrémistes». Si le camp Ouattara y a vu aussitôt une volonté de «fraude», les longues discussions entre les candidats et le médiateur, le président burkinabè Blaise Compaoré, n'ont pas permis de trouver un compromis. La Commission électorale indépendante (CEI) avait dans un communiqué «recommandé au chef de l'Etat d'assouplir les mesures de sécurisation» liées au couvre-feu, mais aucune annonce précise n'a été faite sur le sujet à l'issue de la visite du médiateur. Les deux prétendants ont toutefois lancé «un appel solennel» aux électeurs à «s'abstenir de tout acte d'agression» pour «permettre l'organisation du scrutin dans un climat apaisé». Ils se sont de nouveau engagés à respecter le verdict des urnes. Durant la semaine écoulée, ils avaient eux-mêmes créé un climat électrique en s'accusant à longueur de meetings de toutes les épreuves qu'a connues le pays en une décennie en se traitant mutuellement de «putschiste». Naguère rare exemple de stabilité en Afrique de l'Ouest, le premier producteur mondial de cacao a été plongé dans la tourmente après le coup d'Etat de 1999, suivi en 2002 d'un putsch raté qui a conduit à l'occupation du nord ivoirien par une rébellion rebaptisée Forces nouvelles (FN). La vie qui suivait son cours ordinaire hier samedi à Bouaké au centre du pays en dépit de l'annonce du couvre-feu, est venue rappeler que le nouveau président aura d'abord pour tâche de recoller les deux Côte d'Ivoire.