Un homme avait un fils très intelligent ; il voulut le faire instruire en toutes choses et l'envoya à l'école. Au bout de trois mois, il lui demanda s'il faisait des progrès. — Oui, dit-il, j'apprends le parlement (le langage) des chiens et je le sais suffisamment. Le père se fâche. Le langage des chiens ! Ce n'est pas pour cela que je t'ai envoyé à l'école. Je veux que tu apprennes quelque chose de plus utile. Il l'envoie chez un autre maître. Au bout de trois mois, il va le trouver. — Eh bien ! tu t'instruis comme il faut ? — Oui, mon père, je me suis bien appliqué et je sais le parlement des grenouilles. — Comment ! C'est à cela que tu passes ton temps ? Après l'avoir bien grondé de ne s'appliquer qu'à des choses inutiles, le père l'envoya chez un autre maître. Au bout de trois mois, il va s'informer de nouveau. — Eh bien ! Qu'apprends-tu maintenant ? — Mon père, je me suis bien appliqué et je sais maintenant le langage des oiseaux. — C'est trop fort ! dit le père, je ne veux plus entendre parler de toi, tu me fais honte et je te tuerai pour te punir de ton obstination. La mère intercède pour lui, mais le père est inflexible. Il va trouver un voisin, un pauvre homme. Voilà douze cents francs, lui dit-il, je te les donne, si tu veux tuer un fils qui me fait honte. Emmène-le loin et rapporte-moi son cœur et cet argent est pour toi. Le voisin ne se souciait pas de se charger de cette commission ; mais il était pauvre, il avait besoin d'argent, il finit par consentir. Il emmena le jeune garçon dans un bois, bien loin, bien loin, sous prétexte d'un petit voyage d'agrément, mais arrivé là, il n'eut pas le courage de le tuer, il lui avoua tout. Le jeune homme fut bien étonné que son père eût donné un tel ordre et il protesta. — Promettez-moi de ne jamais revenir, lui dit le voisin, je dirai à votre père que je vous ai tué, et je lui porterai le cœur d'une bête en lui disant que c'est le vôtre. Il s'agit seulement de trouver la bête. Un lièvre passe à ce moment-là. On cherche à l'attraper. Impossible. On aperçoit une biche, elle est prise, on la tue, et le voisin emporte son cœur pour le montrer au méchant père. — Maintenant, éloignez-vous du pays au plus vite, et que Dieu vous conduise ! Le jeune homme remercia le voisin charitable ; il lui promit de ne jamais le compromettre en attendant qu'il pût le récompenser, et il se dirigea à travers le bois du côté opposé à la maison paternelle. En chemin, il rejoignit deux prêtres qui suivaient la même direction. La conversation s'engagea. — Où allez-vous donc de ce pas, Messieurs ? — Nous allons à Rome. Et vous ? — Oh moi, je n'en sais rien. Je vais où Dieu me conduira. — Mais où comptez-vous passer la nuit ? — Dans le bois probablement. Je ne connais personne dans le pays et je n'ai pas d'argent. — Il y a dans le voisinage une maison où nous savons qu'on nous donnera l'hospitalité. Venez avec nous. — Ce n'est pas de refus, Messieurs, si vous voulez bien me prendre sous votre protection. Arrivés à la maison hospitalière, les deux prêtres présentent leur compagnon. — Lui permettez-vous de coucher ici ? — Avec plaisir. (à suivre...)