Troubles «C'était juste une petite vengeance. Ils vivent maintenant ce que nous avons connu avant», ironise un commerçant albanais. Du petit groupe de maisons, il ne reste que des pans de murs calcinés. Du linge immaculé sèche encore dans le jardin, témoignant du départ précipité de la demi-douzaine de familles serbes qui habitaient en lisière de Kosovo Polje, une bourgade serbe de la périphérie de la capitale du Kosovo. «C'était juste une petite vengeance. Ils vivent maintenant ce que nous avons connu avant», ironise un commerçant albanais attablé de l'autre côté de la rue. Il n'y a plus de Serbes dans le quartier. «Dans la soirée de jeudi, un petit groupe a entouré la maison avec à leur tête un de nos voisins albanais qui nous a dit que nous ferions mieux de partir tout de suite», témoigne d'une voix lasse un instituteur retraité réfugié avec sa femme à Gracanica, la plus importante enclave serbe du centre du Kosovo où, depuis quelques jours, ont afflué plus d'un millier de réfugiés. Ils arrivent avec des charrettes ou des tracteurs, des vieilles guimbardes où certains ont eu le temps d'empiler une télé et quelques biens. Ils s'entassent dans les écoles, les gymnases, les caves. Ils arrivent de partout par les petites routes qui contournent les villages albanais et racontent les mêmes scènes. Parfois, ce sont même des membres albanais de la police du Kosovo qui leur demandent de «partir dans les dix minutes pour éviter le pire». Puis les maisons sont incendiées afin de rendre impossible leur retour. Un calme précaire et tendu règne au Kosovo, autour des zones serbes, notamment à Mitrovica, divisée entre Albanais et Serbes, où les affrontements ont commencé mercredi. Ces heurts sont les plus graves depuis l'instauration, en juin 1999, après le départ des forces de Belgrade, d'un protectorat international et d'une administration de l'ONU pour cette province serbe, désormais peuplée à 95% d'Albanais de souche. Le bilan est lourd : 28 morts et plus de 500 blessés. Les 18 500 soldats de la Kfor, la force de stabilisation de l'OTAN, ont été débordés par la fureur des foules albanaises apparemment bien organisées. Beaucoup craignent que les attaques des quartiers et des villages où vivent les 80 000 Serbes du Kosovo (150 000 ont déjà fui) ne reprennent. «Il s'agit d'un véritable nettoyage ethnique», a reconnu l'amiral Johnson, commandant des forces sud-est de l'OTAN à Pristina. Les militaires de la Kfor, comme les fonctionnaires onusiens, soulignent le caractère systématique de ces attaques qui vident les enclaves serbes. «A Kosovo Polje, les manifestants ont tout de suite attaqué les trois institutions serbes restantes, la poste, l'école et l'hôpital, qui toutes trois dépendaient encore de Belgrade, souligne un responsable de la Minuk, l'administration de l'ONU. Ensuite, ils ont saccagé le dernier restaurant serbe», où trônait toujours un portrait de Milosevic. Le président serbe, en procès à La Haye, avait supprimé en 1989 le statut d'autonomie du Kosovo et lancé une politique de répression contre la majorité albanaise.