Versions Les diplomates de l'OTAN restent partagés quant à l'origine et aux conséquences de la soudaine éruption de violence au Kosovo. Selon l'une des thèses en présence, les Albanais, qui veulent l'indépendance de la province, ont voulu torpiller une reprise du dialogue entre Pristina et Belgrade. «Ce qui est frappant, constate un haut responsable, c'est que les affrontements se sont déroulés dans l'ensemble de la province, ce qui laisse à penser qu'ils ont fait l'objet d'une préparation. Tout cela n'est pas spontané et les quelque 90 000 Serbes qui vivent dans les enclaves ont des raisons de ne pas être rassurés.» En prévision des élections qui doivent se dérouler à l'automne au Kosovo, «chacun fait de la surenchère», souligne ce diplomate, qui ajoute : «Se greffe sur tout cela une sorte de désespérance locale, nourrie de l'absence de perspective politique et d'un fort marasme économique. La communauté internationale, dont l'attention est mobilisée par d'autres crises, avait oublié la fragilité intrinsèque du Kosovo.» C'est aussi l'analyse que fait Erhard Busek, coordonnateur du Pacte de stabilité pour les Balkans. Sans croire au risque d'un embrasement de l'ensemble du Kosovo et, à plus forte raison, à un effet domino touchant les pays voisins, il estime que les Albanais portent une grande part de responsabilités dans ces affrontements. «Il semblerait qu'il s'agisse pour eux d'attirer l'attention des Européens sur la question du Kosovo et, notamment, sur le statu quo quant au statut final» de la province. Cela dit, en décembre 2003, une résolution des Nations unies a confirmé que la communauté internationale réexaminera la question du statut du Kosovo, à la lumière de la mise en ?uvre des «standards», comme le retour des réfugiés serbes, les réformes de la police et de la justice, etc. M. Busek reconnaît que depuis la fin de la guerre, en juin 1999, les résultats, pour ce qui relève de la coexistence entre les Albanais et la minorité serbe, sont «très limités» et que la normalisation de la situation était «largement artificielle» parce que le problème du retour des Serbes «n'a jamais été réglé». Il ne croit donc pas que la perspective d'une «cantonalisation» du Kosovo soit réaliste et pense que la seule issue est «d'envisager les conditions d'une indépendance» de la province par rapport à la Serbie. Or, si les Américains soutiennent le principe de l'«autonomie» du Kosovo en échange de l'application des «standards», les Européens restent divisés. «Il est très difficile de savoir où se situe la volonté collective de l'Europe», ajoute M. Busek. Par conséquent, la date à laquelle il sera possible d'ouvrir de réelles négociations sur le statut final du Kosovo reste incertaine. «L'indépendance signifierait que les Albanais chasseront les Serbes. Nous avons fait un lourd investissement politique, militaire et financier au Kosovo pour éviter une épuration ethnique. Ce n'est pas pour tout lâcher maintenant», rappelle un diplomate de l'OTAN. Un autre insiste : «Comme il n'est pas possible de créer des sociétés ethniquement pures, il n'y a pas d'autre solution pour les communautés ethniques locales que d'apprendre à vivre ensemble.»