Résumé de la 2e partie n La mère d'Isabelle vit avec l'idée que l'assassin de sa fille court toujours... Obsession dont elle ne parlera pas. Qu'elle taira comme Isabelle taisait son secret. Autre drogue dangereuse, que ce besoin d'identifier un responsable à tout prix, au risque et au danger d'accomplir une vengeance inutile. En face de la librairie où travaillait Isabelle se trouve un petit café-bar fréquenté par les employés du quartier. On y déjeune sur le pouce. Isabelle n'y allait jamais. Le patron ne reconnaît pas son visage, il ne l'a jamais vue. Jouer les policiers, ce n'est pas évident. Montrer une photo dans tous les petits bars du quartier et demander inlassablement : «Vous connaissez cette jeune fille ?» n'amène en général que des réponses méfiantes. «Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous voulez ?» Alors il faut mentir : «Elle a disparu, elle est malade, elle a besoin d'être soignée.» Comme si Isabelle était vivante quelque part dans la ville. C'est à la fois douloureux et anesthésiant. Le père, lui, est reparti à ses affaires. II n'a rien compris. Même pas les démarches de sa femme. «Tu cherches à savoir quoi ? Ça te mènera où ? S'il y a des coupables dans cette histoire, c'est toi et moi. C'était à nous de deviner.» La mère poursuit son idée fixe. Isabelle n'était pas une droguée ordinaire. «Son» Isabelle a été attirée dans un piège tragique, elle était trop intelligente, trop lucide pour se laisser convaincre par n'importe qui. Elle n'avait aucun conflit intérieur, rien qui puisse l'amener à une forme quelconque de désespoir. Elle a voulu faire une expérience, son carnet le dit. Elle n'y a noté que des impressions, comme une scientifique. Quelqu'un est à l'origine de cette folie. «Je cherche cette jeune fille, elle est malade, elle a disparu.» Deux mois ont passé. Une serveuse répond enfin, dans une cafétéria : «Il y a longtemps qu'on ne l'a pas vue...» La mère s'assoit, elle a peur soudain. Elle regarde ce décor un peu laid, les tables en formica, les couleurs heurtées, les lumières trop vives. Alors c'est là qu'Isabelle venait, c'est là qu'elle s'asseyait pour écrire, lire, manger un sandwich, discuter... Elle a mis deux mois à trouver ce lieu, à 200 mètres de la librairie. La serveuse compatit. «Ah !... vous êtes sa mère ? Elle avait pas l'air malade, pourtant. — Dites-moi, qui elle fréquentait ? — Oh ! ça, ma pauvre dame, ils se fréquentent tous, vous savez. Les étudiants, ça va, ça vient... — Mais vous vous souvenez d'elle ? Pourquoi ? — Elle dessinait toujours des trucs sur la nappe en papier... — Quels trucs ? — Des trucs qui ne voulaient rien dire, pas des vrais dessins, quoi... des gribouillis. Une fois je crois qu'elle a oublié son écharpe, oui, je crois bien que c'est elle... Je me rappelle plus bien, vous pensez, j'en vois tellement... — Qu'est-ce qu'il y a eu à propos de cette écharpe ? — Un de ses copains l'a prise, il a dit qu'il la lui rendrait. — Qui ? Essayez de vous souvenir, qui ? Je vous en prie. — C'est trop vague, je vous dirais des bêtises. Un grand type, maigre, il me semble. — Il est là ? II vient souvent ? — Comme les autres. — Il était toujours avec elle ? — Ça je pourrais pas vous dire.» De la fumée, de vagues souvenirs. II faut être une mère pour s'accrocher à si peu. Pour revenir inlassablement, jour après jour, demander désespérément : «Vous connaissez Isabelle D. ?» Un jour, enfin, une petite jeune fille boulotte apporte la réponse tant attendue. (à suivre...)