Un roi vivait avec sa femme et son unique enfant. Après la mort de son épouse, sa fille lui dit : «Père, je voudrais aller rendre visite à ma grand-mère et à mes autres mères du village.» Le père lui donne des habits, des chèvres et beaucoup d'autres cadeaux. Elle prend congé du père… Lorsqu'elle arrive au village, ses oncles tuent en son honneur des poules et des moutons. Elle y demeure des mois et des mois. Un jour, un jeune homme se présente avec l'intention de l'épouser. Le jeune homme brille comme le soleil ; et lorsque la fille essaie de l'approcher, tout son corps se couvre de sueur ! Elle se change, entre dans la maison une deuxième, une troisième fois pour se changer, tellement la chaleur qui se dégage du jeune homme est intense. Celui-ci est un revenant mais la fille l'ignore ; elle accepte la main du prétendant. Le lendemain matin, la jeune fille appelle son père et ses oncles. Elle leur parle en ces termes : «je suis devenue femme.» Ce dernier leur dit : «je m'en retourne chez moi avec ma femme. L'argent, je le verserai plus tard.» Il se retire avec la fille… Tous deux dépassent d'abord une petite rivière, encore une autre petite rivière, ensuite ils traversent une forêt vierge, puis une longue savane, et, à la fin de celle-ci, ils rencontrent une immense herbe, ils y pénètrent. En dessous de cette grosse herbe s'étale le village des morts ! Les défunts, excepté la mère de la fille, arrivent en groupe pour accueillir la femme de leur chef Lâkwèn. La mère, elle, est absente. Le lendemain matin, en l'absence de Lâkwèn, la mère se dit : «Je m'en vais voir cette femme de notre chef.» Lorsqu'elle arrive elle constate que c'est sa propre fille, restée dans le monde des vivants ! Elle lui dit : «Ah ! Maman, qu'est-ce que tu es venue faire ici ? — C'est le village des morts, tu n'es pas encore morte, pourquoi es-tu venue ici ? Et l'enfant de répondre : — Maman, c'est mon mari Lâkwèn qui m'a emmenée ici. — «Mais, c'est un mort, c'est un revenant qui est venu te chercher», réplique sa mère. — Maman, il m'a paru beau comme le soleil. — Regagne le monde des vivants. Voici des chèvres, des moutons, des bananes. Sa mère la raccompagne au bout du chemin et sa fille prend la fuite. Lorsque Lâkwèn revient de la forêt, il demande aux gens : «où est ma femme qui était ici, quel chemin aurait-elle pris ?» Lâkwèn devine la fuite éventuelle de sa femme. Il reprend le chemin vers le monde des vivants, à sa recherche. Il la poursuit, la poursuit, en faisant des grandes enjambées. Lorsque la fille arrive à la première rivière, elle aperçoit au loin Lâkwèn qui la poursuit. Elle se met à chanter : «Eh ! pagayeur, aide-moi à traverser ; Tu auras beaucoup de chèvres, aide-moi à traverser ; Tu auras beaucoup de moutons, aide-moi à traverser ; Je suis la femme du chef Lâkwèn.» Le pagayeur lui demande en échange une banane, et la fait traverser. Lorsque Lâkwèn arrive à l'endroit, il interpelle le pagayeur : «Tu n'as pas vu une femme traverser ici ?» — «Oh ! elle est déjà partie», répond-il. — «Mais cette femme-là est mon épouse, elle s'enfuit, pourquoi l'as-tu fait traverser ?» — Je ne savais pas que c'était votre épouse.» (A suivre...)