Alors que l'idée fait son chemin dans certains cénacles occidentaux et que les Américains envoient déjà des navires de guerre patrouiller à proximité des côtes libyennes, la Ligue arabe a exprimé hier soir son rejet de toute intervention militaire étrangère contre le régime de Kadhafi. Ce projet, qui sera soumis ce mercredi à la réunion des ministres des Affaires étrangères, souligne également la nécessité de préserver l'intégrité territoriale du pays, l'accélération de l'acheminement des aides au peuple libyen et la formation d'une commission d'enquête, a indiqué le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Ahmed Ben Helli, dans une déclaration à la presse à l'issue des réunions. Alors que l'opposition des pays arabes à toute intervention étrangère n'a pas tardé à être exprimée, un navire de guerre américain se rapprochait hier de la Libye, indice de la pression exercée par les Etats-Unis pour faire plier le colonel Kadhafi, même si Washington semblait toutefois écarter à ce stade une intervention militaire. L'«USS Kearsarge», un porte-hélicoptères transport de chalands de débarquement, et les deux vaisseaux qui l'accompagnent s'apprêtaient hier à emprunter le canal de Suez en provenance de la mer Rouge. Les stratèges militaires américains planchent sur plusieurs scénarios qu'ils proposeront au Président Barack Obama, mais le flou demeure quant à l'éventualité d'une intervention militaire, selon un responsable de la défense. Le Pentagone et les membres de l'OTAN ont commencé à examiner des «préparatifs pour le moment où nous estimerons qu'il est nécessaire, pour des raisons humanitaires et autres, que des mesures soient prises», a dit la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton. Le Sénat américain a, du reste, adopté hier soir une résolution symbolique condamnant la répression en Libye et demandant à la communauté internationale d'envisager l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye pour protéger les civils. Un tel dispositif serait «extraordinairement compliqué», a fait remarquer, hier, le plus haut gradé américain, Mike Mullen. Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a, pour sa part, noté qu'«il n'y a pas de consensus au sein de l'OTAN pour le recours à la force». «Concrètement, cela exigerait de supprimer au préalable les capacités de défense aérienne», a expliqué le général James Mattis devant une commission du Sénat américain. Le nouveau ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a, quant à lui, estimé qu'une intervention militaire de l'OTAN en Libye «mérite d'être regardée à deux fois et pourrait être «extrêmement contre-productive» dans l'opinion arabe. Interrogé par la chaîne de télévision française TF1 sur l'éventualité d'une intervention militaire, M. Juppé a répondu : «Elle mérite d'être regardée à deux fois.» «Je ne sais pas quelle serait la réaction de la rue arabe, des populations arabes tout au long de la Méditerranée, si on voyait les forces de l'OTAN débarquer sur un territoire du Sud méditerranéen», a-t-il déclaré. «Je pense que cela pourrait être extrêmement contre-productif», a-t-il ajouté. Nouveaux ministres à l'Intérieur et la Justice Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a nommé deux nouveaux ministres à l'Intérieur et la Justice après le ralliement des anciens titulaires à l'insurrection, a annoncé ce matin la télévision libyenne. Ahmad Al-Qmoudi a été désigné ministre de la Justice à la place de Moustapha Abdel Jalil, qui fut le premier à démissionner après le début de la révolte contre le régime Kadhafi, le 15 février dernier. Et Massoud Abdel Hafiz remplace Abdel Fatah Younès au ministère de l'Intérieur. La télévision libyenne a aussi annoncé la nomination de Mohammed Oreibi Al-Mahjoubi procureur général de la Jamahiriya, pour succéder à Abdel Rahmane Al-Abbar qui a lui aussi rallié l'opposition. Dans une déclaration publiée par le journal Yosberides, l'ancien ministre de l'Intérieur a qualifié le dirigeant libyen d'«extrêmement têtu», écartant la possibilité qu'il quitte le pouvoir de son plein gré. «Je ne pense pas que Kadhafi partira, car je le connais très bien. C'est un homme très têtu et infatué, et il n'accepte pas la défaite», a-t-il déclaré au journal. Un camion-citerne en feu près de la résidence de Kadhafi Un camion-citerne a explosé ce mercredi dans le centre de Tripoli, près de la résidence du colonel Mouammar Kadhafi, sans toutefois faire de victimes. Le camion-citerne, couché sur le flanc, était éventré et des flammes de plusieurs mètres s'élevaient créant un panache de fumée noire. Aucune victime n'était visible sur place, l'explosion -d'origine inconnue- s'étant produite dans un endroit dégagé. Le bâtiment le plus proche, une mosquée, n'a pas été touché. Des centaines de partisans du colonel Kadhafi se sont rassemblés près du camion-citerne pour crier leur allégeance au "guide de la révolution" libyenne. Autour, des policiers, des militaires et des civils en armes, surveillaient la manifestation. L'Est du pays, dont la deuxième ville du pays Benghazi, est aux mains des insurgés alors que le dirigeant Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis bientôt 42 ans, contrôle encore la capitale Tripoli et sa région.