Résumé de la 41e partie n Mrs Colin – après avoir traversé un tas de ruelles qui serpentent – parvient à s'introduire dans une petite librairie... A l'intérieur, c'était évident : ils étaient les seuls maîtres. Ils avaient tout envahi croissant et se multipliant, sans qu'aucune main un peu énergique n'ait cherché à les discipliner. Entre deux rayons, il était difficile de s'infiltrer, tant le passage était étroit. Pas une table, pas une étagère qui ne fût surchargée de piles de livres. Dans un coin, sur un tabouret cerné par les livres, un petit vieux au visage plat de poisson-chat, sous un chapeau de rapin. A son air, on le devinait, il avait abandonné une lutte inégale. Roi déchu de ce monde livresque, il lâchait pied devant leur marée montante, dans l'impossibilité de les arrêter car ils ne lui obéissaient plus. Tel était Mr Soloman, le propriétaire du magasin. M'apercevant, son œil de poisson mort s'adoucit et il me salua. — Vous avez quelque chose d'intéressant pour moi ? demandai-je. — Il vous faut monter, Mr Lamb. Toujours vos histoires d'algues ? — Toujours. — Vous connaissez le chemin. Lui faisant signe que oui, je réussis à me glisser vers un petit escalier branlant et crasseux, tout au fond du magasin. Le premier était réservé aux livres sur l'Orient, l'art, la médecine et les classiques français. Et dans cette pièce, derrière une tenture, il y avait un coin ignoré du vulgaire et réservé aux seuls initiés où reposaient les ouvrages plus ou moins ésotériques. Passant outre, je grimpai au second. Là, sans beaucoup de succès, l'on avait tenté un classement par matière des livres d'histoire naturelle, archéologie et autre littérature sérieuse. Je me pilotai à travers les étudiants, les vieux colonels en retraite et les pasteurs, dépassai le coin d'un rayonnage en franchissant des paquets éventrés de livres, trouvai soudain ma route barrée par deux étudiants de sexe opposé qui, dans les bras l'un de l'autre, oubliaient ce monde en une étreinte passionnée. — Pardon, fis-je en les écartant d'une main ferme. Je soulevai le rideau qui masquait une porte, tirai une clef de ma poche, ouvris et disparus. Pour me retrouver bizarrement dans une sorte de vestibule aux murs vermoulus mais propres, d'où pendaient de vieilles gravures de pâturages écossais. En face de moi, une porte au marteau de cuivre étincelant. Je frappai discrètement. Vint m'ouvrir une femme âgée – cheveux gris et besicles de fer, vêtue d'une jupe noire et d'un tricot d'un vert acide, assez insolite. Sans autre préambule : — Ah ! c'est vous, lança-t-elle. Déjà hier il s'inquiétait de ne pas vous voir et n'était pas trop content. (Et hochant la tête de l'air d'une gouvernante grondeuse). Tâchez de ne pas recommencer. — Oh ! ça va, Nounou ! — Et ne m'appelez pas Nounou. Quel culot. Je vous l'ai déjà dit. — C'est votre faute. Vous n'avez qu'à ne pas me traiter comme un enfant. — Cessez de l'être alors. Vous feriez mieux d'entrer et d'en finir. Et ayant appuyé sur un timbre, elle prit son téléphone, annonça : — Mr Colin... Oui, tout de suite. Et elle me fit signe d'entrer. (A suivre...)