Au vu de ce qui se passe sur le terrain, rien ne dit que la vie du leader libyen ne soit pas en danger. Si Alain Juppé et William Hague, les MAE français et britannique, laissent entendre que, dans la foulée, les coalisés pourraient cibler la personne de Kadhafi, d'autres voix affirment que ce n'est pas là l'objectif de l'intervention étrangère. Qui croire ? «L'objectif de la coalition est la mise en œuvre de la résolution, c'est de protéger la population», a dit à la radio Europe 1 le porte-parole du ministère, Laurent Teisseire. A la question, «si vous saviez où est Kadhafi, est-ce que vous lui tireriez dessus ?», il a répondu : «Non, la réponse est non», la résolution de l'ONU «ni de près ni de loin n'envisage cette hypothèse-là». C'est là une mise au point qui est apportée à quelques informations circulant dans les milieux des coalisés et qui n'écartait pas l'élimination physique du leader libyen. Samedi, le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, avait affirmé à la chaîne France 2 que le but de l'intervention internationale en Libye était d'«aider le peuple libyen à se libérer» de Mouammar Kadhafi. «Ce n'est pas inscrit dans la résolution du Conseil de sécurité qu'il doit s'en aller, mais il est bien évident, ne racontons pas d'histoire, que le but de tout cela est de permettre au peuple libyen de choisir son régime… Je n'ai pas le sentiment qu'aujourd'hui son choix porterait sur le colonel Kadhafi», a souligné M. Juppé. Ce qu'il faut donc interpréter par ces propos, c'est qu'au moins au Quai d'Orsay, Kadhafi peut être ciblé par un tir de missile qu'on mettra sur le compte d'une bavure comme nous ont habitués les coalisés en Irak. Est-ce un hasard que le bâtiment administratif situé dans le complexe résidentiel du dirigeant libyen à Tripoli ait été totalement détruit par un tir de missile ? Le bâtiment en question est situé à une cinquantaine de mètres de la tente où le colonel recevait en général ses invités de marque. Il s'agit d'un bâtiment administratif qui a été visé par un tir de missile, a indiqué un porte-parole du régime aux journalistes étrangers qui ont été transportés en bus sur place. «Il s'agit d'un bombardement barbare qui aurait pu toucher des centaines de civils rassemblés dans la résidence de Mouammar Kadhafi à environ 400 m du bâtiment touché», a-t-il déclaré, tout en dénonçant les contradictions dans le discours occidental. «Les pays occidentaux disent qu'ils veulent protéger des civils, alors qu'ils bombardent la résidence en sachant qu'il y a des civils à l'intérieur», a-t-il ajouté. Quoi qu'il en soit la question de cibler ou non Kadhafi a fait ressortir des notes discordantes dans les déclarations des uns et des autres. Hier, dimanche, le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, s'est prononcé contre une frappe militaire qui ciblerait directement le dirigeant libyen. «Je pense qu'il est important d'agir dans le cadre du mandat de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU», a déclaré M. Gates. Le ministre a souligné que l'intervention contre la Libye était menée par «une coalition très diverse» et que multiplier ses objectifs risquerait de nuire au consensus dont a bénéficié jusqu'à présent la résolution de l'ONU. «Si nous commençons à ajouter des objectifs, je pense que cela posera des problèmes», a-t-il dit. «Il serait mal avisé de fixer des objectifs que nous ne pourrions pas forcément atteindre.» La logistique de l'armée libyenne visée Après la première vague de frappes contre les défenses antiaériennes et des blindés près des lignes des insurgés, la prochaine étape consistera, selon le plus haut gradé américain, l'amiral Michael Mullen, à attaquer les lignes de ravitaillement des pro-Kadhafi pour limiter leur capacité à se battre. «Ses forces sont plutôt éparpillées entre Tripoli et Benghazi et nous allons essayer de couper le soutien logistique à partir de ce lundi», a précisé l'amiral. La coalition internationale a assuré, hier, avoir sévèrement endommagé les défenses antiaériennes libyennes. La première phase de frappes aériennes est «un succès» et a permis d'instaurer une zone d'exclusion aérienne, a déclaré Michael Mullen. Selon lui, les pro-Kadhafi n'avancent plus vers le fief des insurgés, Benghazi, situé à1 000 km à l'est de Tripoli. La Ligue arabe critique les bombardements Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a critiqué, hier, les bombardements de la coalition internationale sur la Libye, estimant qu'ils s'écartent du «but qui est d'imposer une zone d'exclusion aérienne». M. Moussa a également annoncé que des consultations étaient en cours pour la tenue d'une réunion d'urgence de l'organisation panarabe, qui siège au Caire, sur la situation dans le monde arabe, en particulier sur la Libye. «Ce qui s'est passé en Libye diffère du but qui est d'imposer une zone d'exclusion aérienne, et ce que nous voulons c'est la protection des civils et pas le bombardement d'autres civils», a-t-il déclaré. «Nous avons, dès le début, demandé qu'une zone d'exclusion aérienne soit instaurée pour protéger les civils libyens et pour prévenir tout développement ou mesure supplémentaire», a-t-il ajouté. L'Allemagne confortée dans ses réserves L'Allemagne se sent confortée après les premiers bombardements en Libye dans ses fortes réserves à l'égard de l'opération militaire, a estimé ce lundi son ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, faisant référence aux critiques de la Ligue arabe. «Nous avons dit très clairement depuis le début que nous ne participerions pas» à cette action de la coalition internationale, a-t-il dit. «Cela signifie que nous estimons qu'il y a des risques» avec l'opération en cours, «et lorsque nous entendons ce que la Ligue arabe a dit hier, malheureusement, nous constatons que nous avions des raisons d'être préoccupés». Le chef de la Ligue arabe, Amr Moussa, a critiqué hier les bombardements de la coalition internationale sur la Libye, estimant qu'ils s'écartent «du but qui est d'imposer une zone d'exclusion aérienne». Le chef de la diplomatie allemande a, dans le même temps, assuré que la position allemande ne signifiait nullement que son pays reste «neutre» à l'égard du régime libyen et de Mouammar Kadhafi. «Il est absolument clair qu'il doit démissionner», a dit M. Westerwelle. William Hague imite Juppé Le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a laissé entendre aujourd'hui, lundi, que le colonel Kadhafi pouvait être pris pour cible par les frappes internationales en Libye, tout en refusant de «spéculer» sur les objectifs choisis par la coalition. «Je ne vais pas spéculer sur les cibles (...) qui dépendent des circonstances du moment», a expliqué le ministre. «Tout dépend de la façon dont les gens se comportent», a-t-il ajouté, tout en soulignant que les cibles seraient «toujours en accord avec la résolution des Nations unies», avec «l'accent mis sur la protection des civils». Le ministre britannique de la Défense Liam Fox avait déjà évoqué hier, dimanche, la «possibilité» que le colonel Kadhafi soit pris pour cible. «Cela pourrait être une possibilité (...) mais il faudrait prendre en compte les victimes civiles qui pourraient en résulter», avait-il déclaré. Egypte : des manifestants pro-Kadhafi assaillent Ban Ki-moon Une cinquantaine de partisans du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi ont encerclé aujourd'hui, lundi, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, place Tahrir au Caire, l'obligeant à quitter les lieux pour s'abriter au siège de la Ligue arabe tout proche. Arborant des banderoles et le drapeau vert du régime de M. Kadhafi et scandant : «A bas, à bas les Etats-Unis, Libye, Libye», les manifestants se sont rués vers M. Ban et sa délégation de 15 personnes comprenant notamment la vice-secrétaire générale de l'ONU et ex-présidente du Chili Michelle Bachelet. La police et des soldats sont intervenus pour permettre à la délégation de l'ONU de quitter les lieux. M. Ban n'a pas été touché lors de l'incident.