Scène n Toute la réalité de l'artiste algérien est exposée dans le monologue, Warda, donné hier au Théâtre national. La pièce, jouée en arabe dialectal par Tounès Aït Ali, raconte l'histoire de Warda, une jeune femme fraîchement diplômée de l'école des arts dramatiques qui, à défaut de se réaliser dans sa vocation d'artiste et voyant son espoir d'une carrière d'artiste s'envoler, est contrainte de travailler en tant que femme de ménage dans un théâtre. Avec un tablier bleu et un foulard assorti lui entourant la tête, un balai à la main, Warda parle de sa vie. Ses rêves et sa réalité sont en sens opposé. Pendant qu'elle passe le balai sur les planches, elle raconte son quotidien, le comment de sa situation, alors qu'elle est diplômée. Elle parle aussi de ce qu'elle éprouve pour l'agent de sécurité (pour dire qu'elle est capable d'aimer et qu'on peut aussi l'aimer), elle passe en revue tout le personnel du théâtre, allant du directeur à l'agent de sécurité, en passant par les techniciens et les comédiens. Tous sont passés au crible d'un discours mêlant critique et humour. La comédienne évoque à travers son personnage le statut de l'artiste, l'absence d'une politique pouvant l'aider à s'épanouir et à s'accomplir, une politique lui garantissant ses droits moraux et matériels, tout comme elle pointe du doigt la discrimination faite aux artistes algériens, et à l'accueil chaleureux, souvent injustifié et apprêté, réservé aux artistes étrangers – notamment arabes. En effet, on a pu le constater à maintes reprises, si l'artiste algérien ne jouit d'aucune considération, les étrangers – arabes en fait – se voient dérouler le tapis rouge et leur cachet s'élève à plusieurs milliers d'euros, alors que nos artistes ne touchent que des miettes. Une réalité que nos comédiens, continuellement marginalisés, ne cessent de déplorer, de dénoncer. La pièce, qui s'exprime dans un langage humoristique et dans une interprétation vivace et convaincante, poignante et saisissante, aborde, en outre, la condition de la femme et les conditions de son recrutement par nombre d'employeurs lesquels prennent en considération les critères d'abord d'ordre physique, et non pas professionnel. Si Warda fait le ménage, c'est parce qu'elle a refusé de se plier aux exigences – et aux fantasmes – du directeur. La comédienne dit à haute voix ce que les gens pensent tout bas. Produite par la coopérative culturelle Anis basée à Sétif, la pièce, qui sera prochainement à Paris au Centre culturel algérien, a été écrite et mise en scène par le comédien Lamri Kaouane, qui a joué dans un monologue 100% redjla. Notons que Tounes Aït Ali a été lauréate en 2004 du prix de la meilleure comédienne au Festival cinéma méditerranéen de Montpellier et du prix d'encouragement 2007 au festival de films africains lumières d'Afrique de Besançon. Elle a joué dans de nombreux films de cinéma et de télé ainsi que dans des pièces de théâtre. Elle a incarné notamment le premier rôle dans la pièce L'étoile et la comète (2009) de Ziani Chérif Ayad et campé le rôle de Z'hor dans le feuilleton télévisé Le médaillon de Baya El-Hachemi.