Une femme de ménage sous les feux des projecteurs, pourquoi pas ? Cette idée, pour ce qu'elle peut avoir de loufoque, on la doit à Tounès Aït Ali, comédienne de talent qui nous vient de Sétif et qui, à l'occasion d'une tournée à travers bon nombre de wilayas pour présenter «Warda», son nouveau monologue, a été de passage, lundi dernier, au théâtre Abdelkader Alloula. Pendant une heure et demie donc, une femme de ménage qui se prénomme Warda, et dont l'activité se consacre à faire reluire, à longueur de journée, les planches d'un quelconque théâtre régional, prend le public pour confident et se met à décortiquer les tares et comportements de ses semblables et de ses « supérieurs ». Un humour vache et empli d'ironie y est employé. A la voir jouer de la sorte, on sent que la comédienne, à travers les élucubrations de cette femme de ménage, tente un petit peu de bousculer les gens. Avec un tantinet de provocation, elle se plaît à donner des coups de pied dans la fourmilière, allant même jusqu'à faire participer le public et cela, malgré lui ! Mais, à travers le portrait qu'elle dresse de cette petite entreprise théâtrale, se cache en fait la réalité de la mentalité algérienne dans le monde de l'entreprise. Celle du patron, le boss, le grand manitou qui trie sur le volet ses secrétaires, au nombre d'une bonne dizaine, et qui, si ces dernières ne se plient pas à ses quatre volontés, ne tarde pas à les démettre carrément de leur fonction. A cela, Warda nous confie aussi ses propres états d'âme du jour où elle s'est éprise de Jâamii, un comédien du théâtre, de sa façon de faire des pieds et des mains pour qu'il la remarque, du jour où elle a réussi à décrocher un rancart avec lui, et dans une discothèque qui plus est ! Et puis, enfin, voilà qu'au final, après avoir tant galéré, après en avoir vu de toutes les couleurs et vécu tant d'aventures, elle finit par s'imposer dans le milieu théâtral, et cela, au point d'être sollicitée à monter sur scène, cette fois-ci non pas pour passer la serpillière, mais pour faire son show. Une revanche s'offre alors à elle, et elle ne tarde pas à la saisir pour faire un pied de nez à tous ceux qui l'ont méprisée ou vue de haut ! Bref, pendant une heure et demie, Tounès Aït Ali, qui a déjà à son actif quelques monologues du genre:«Zaouadj academy» ou «Rahla», raconte comment le monde est perçu par une femme de ménage qui a l'esprit critique, un franc-parler, le regard malicieux et un humour coup de poing. Autre chose encore à noter, qui a ravi l'assistance présente, c'est bien sûr le choix du langage que la comédienne a employé tout le long du monologue. Ce style de langage, à proprement parler celui de la rue, et que certains collets-montés peuvent juger « débridé », a fait le bonheur du public, trop habitué hélas, via la chaîne nationale, à n'entendre que de l'arabe classique et « austère ». C'est par le dialecte de l'Est que la comédienne a fait son show, et à l'entendre, on se rend compte que le dialecte de cette région, comme celui de l'Ouest, a au moins le mérite d'être à la portée de tous, de dire les choses telles qu'elles sont, crûment, sans protocole ni fioritures. Et si cette façon de parler peut être assimilée, pour certaines oreilles effarouchées, à un parler grossier, cela n'est jamais pour autant vulgaire ! Enfin, il est à noter que « Warda », monologue produit en 2010 par la coopérative Anis, a déjà joué dans pas mal de villes, à Médéa, Mascara, Sétif, Bordj Bou Arreridj, Mostaganem et enfin Oran. C'est à Mostaganem qu'il a eu un grand succès, où plus de huit cents personnes sont allées le voir en ce mois de Ramadhan. Le spectacle est attendu prochainement dans les autres wilayas du pays, entre autres, à Alger. Enfin, il est à noter qu'une traduction en tamazigh est prévue pour «Warda», et cela, en vue de faire participer ce monologue au prochain festival tamazigh qui se tiendra au Maroc le mois de décembre prochain.+