Résumé de la 1re partie Un matin d?hiver, en 1951, Antoni, passe sa dernière soirée avant l?embarquement dans un bistrot. A côté de lui, un homme en gris boit avec les marins. Le fonctionnaire ouvre son dossier, le parcourt avec attention, et regarde Antoni d?un air froid : «Vous irez dans l?infanterie. ? Mais je suis marin ! ? C?est possible. mais moi je vois, dans votre dossier, que l?infanterie vous fera du bien...» L?homme en gris n?appelait pas «espionnage obligatoire» ce qu?il avait demandé à Antoni. Le fonctionnaire n?appelle pas «rétorsion» son affectation dans l?infanterie? Antoni n?a rien à dire. Pendant deux ans, il ne subira pas de brimades, on lui dressera simplement le caractère. On ne l?empêchera pas d?être lui-même, on fera seulement de lui un bon citoyen? En juillet 1954, Antoni rend son uniforme à l?administration militaire. Il a vingt ans. Il est devenu maigre et silencieux. Il retrouve sans joie le port de Gdynia et se présente à l?embauche. Mais curieusement, les places sont toujours prises juste avant qu?il n?arrive ! Comme un autre a pris sa place à bord du «Jaroslaw-Dabrowski», Antoni se contente de faire les sales boulots. Docker occasionnel ou balayeur, il s?accroche comme il peut. Antoni n?a pas de famille. Juste un oncle résigné, employé des Postes, et qui ne comprend pas le désespoir de son jeune neveu. «Tu ne peux rien contre tout ça. Dans la vie, chacun doit faire son devoir. Tu aurais dû obéir et faire ce que l?on te demandait?» Antoni regarde la mer. Il lui semble tout à coup que la liberté se trouve de l?autre côté de la mer, là-bas, en Angleterre. Le seul pays qu?il connaisse. Alors, il guette le départ du «Jaroslaw-Dabrowski», son ancien bateau. Il en connaît tous les recoins. Il lui suffira de se glisser dans la cale avant le chargement. Une fois en mer, il trouvera bien le moyen de prendre l?air de temps en temps. Une fois à Londres, ce sera un jeu d?enfant de se glisser le long de la coque et de traverser la Tamise à la nage? Antoni, tout à coup, n?a plus peur de rien. A force de vouloir le briser, on l?a endurci. Le 22 juillet 1954, à quatre heures du matin, il est sur le quai. Le chargement va commencer. La cale est ouverte. Impossible de franchir la passerelle, c?est trop risqué. Un homme la surveille. Il ne peut pas non plus se mêler à l?équipage, on pourrait le reconnaître. Il y a deux solutions : ou se cacher au milieu des caisses et se laisser emporter par la grue avec un chargement ; ou gagner le bord à la nage. Cette solution est de loin la pire. L?eau est glacée, Antoni devra garder sur lui, pendant quatre jours, un pantalon et un pull-over mouillés. Il ne pourra pas non plus emporter de vivres. Pourtant, son choix est fait : il va se glisser dans l?eau. Impossible de faire autrement. Deux hommes surveillent le chargement à quai et dès les premiers colis, il y en aura d?autres à fond de cale pour les accueillir. Il faut gagner la cale avant que le chargement ne commence ! Antoni enfonce son bonnet de laine sur sa tête, attache sa veste autour de sa taille, bien serrée, noue ses chaussures par les lacets autour de son cou, et doucement, le long du quai gluant et froid, il entre dans l?eau. Péniblement, empêtré dans ses vêtements, il atteint l?arrière du navire et entreprend de se hisser à la force des poignets jusqu?au bastingage. L?eau dégouline autour de lui. A présent, il connaît le chemin. En moins d?une minute, il est dans la cale. Grelottant de froid, il se débarrasse du maximum de ses vêtements, se glisse dans un renforcement et ramène sur lui un morceau de bâche. Il était temps. Là-haut, le grincement des poulies annonce que le chargement a commencé. Les hommes crient des ordres et galopent sur le pont? Bientôt, la grue balance d?énormes ballots de fibre de bois au-dessus de l?ouverture. (à suivre...)