Résumé de la 1re partie n Hermann Ropp qui s'est engagé dans la Hitlerjugend, s'apprête à écrire son journal... Des ordres sont lancés à tue-tête. Des side-cars vont et viennent en dérapant sur le gravier. Une voiture s'arrête devant la mairie. Les nouveaux arrivants casqués portent sur la poitrine comme une décoration de légende, comme une sorte de mystérieuse Toison d'Or, l'énorme plaque qui distingue les Feld-gendarm. Ils brandissent des panneaux indicateurs qu'ils vont planter aux carrefours. C'est beau à voir, cette conquête qui déjà s'organise. Les guides de la Hitlerjugend dans laquelle s'est engagé Hermann Ropp après des études bâclées à Berlin avaient raison : il n'y a que dans le travail et l'organisation que pourra se bâtir la société nouvelle. Mais la Wehrmacht ne va pas en rester là. Elle ne va pas moisir ici. Son destin l'attend beaucoup plus loin. «Beaucoup plus au sud», pensent tous ces hommes, bien loin d'imaginer que la plupart d'entre eux se retrouveront, après cette gloire fugitive, prisonniers de la boue et de la glace en Russie. Par petits groupes, tandis qu'un officier discute avec un notable local, les soldats un peu partout s'affairent. Il faut mettre de l'ordre dans tout ça, assurer ses arrières. Le père d'Hermann, le docteur Ropp, qui fait partie de cette génération d'hommes qui croit au père Noël-Hitler, avait raison : le voici, ce miracle allemand. Aucune mission ne lui incombant, le jeune soldat Hermann Ropp décide alors de visiter l'église. Les deux mains crispées sur sa mitraillette, il a poussé d'un coup de pied le vieux portail. Celui-ci avec les siècles a perdu la souplesse de ses gonds. Hermann doit s'aider de l'épaule pour se glisser dans l'église. Ce n'est pas un vrai silence qui règne dans cette pénombre. Il croit avoir entendu quelques murmures, et même une respiration... Son regard court sur les dalles disjointes de l'allée centrale jusqu'à l'autel et, là, découvre, rassemblé au milieu du chœur, un groupe étrange : un homme, bras de chemise maculée de sang ; une femme pâle dont les cheveux sont défaits ; deux garçons de dix et treize ans à genoux. Tous quatre, surpris par son irruption, ont le visage tourné vers lui. Un corps sanglant est allongé sur une civière au pied de leur petit groupe, rassemblé comme s'il cherchait à le protéger. Interdit, Hermann Ropp reste debout, sa mitraillette à la main. Ce tableau lui a causé un choc. Il a l'impression de commettre une profanation. Peut-être même est-il angoissé, parce qu'il ne sait pas vraiment ce que font ces gens et ce qu'ils vont faire, ce que lui doit faire. Ses maîtres ne lui ont pas appris. Peut-être aussi parce que son inconscient le prévient : «Attention, Hermann Ropp. C'est ici le tournant de ta vie.» Le corps allongé sur la civière a de longs cheveux noirs. C'est une femme, sans doute. Est-elle blessée ? Est-elle morte ? Pour le savoir, sans bien réaliser ce qu'il fait, il s'approche. C'est une jeune fille. Sans s'occuper de lui, l'homme, qui doit être le père, s'est à nouveau penché sur elle. Il s'efforce de fixer une attelle au bras droit de sa fille. La mère lui prépare des bandelettes de tissu en déchirant une chemise. L'un des garçons éponge le sang qui suinte d'une blessure au front. Le jeune soldat, du regard, interroge l'homme et la femme qui comprennent qu'il ne parle pas français et, ne parlant pas allemand, haussent les épaules. Trottinant depuis le presbytère, apparaît un vieux et laid petit curé, portant une trousse à pharmacie. (A suivre...)