Publication n Ces deux ouvrages sont parus chez Barzakh à la mémoire des victimes du terrorisme pour dire le traumatisme et ses séquelles chez ces nombreux Algériens ayant vécu l'innommable et qui restent depuis murés dans le silence. Conçus à la demande du Cisp (Comitato Internazionale per lo Sviloppo dei Popoli- Comité international pour le développement des peuples), une Ong italienne installée en Algérie depuis 1999, les deux publications A fleur de silence et Apprendre à vivre ensemble se veulent un hommage aux personnes disparues, assassinées par les terroristes et s'inscrivent dans un «processus de mémoire afin de prévenir contre le danger de l'amnésie». Comment guérir des blessures causées par la violence terroriste ? Comment rétablir la cohésion au sein d'une société meurtrie ? Comment se reconstruire, «se réconcilier» et pouvoir enfin dépasser ses traumatismes, après de telles épreuves ? Les deux livres tentent d'apporter des réponses à tous ces questionnements, à travers des photographies, des témoignages et des analyses sur l'«après-terrorisme». Alger, Blida, Boumerdès et d'autres régions de la Mitidja où des massacres collectifs, des assassinats ciblés et des attentats à la bombe ont été perpétrés contre des civils sont les principales régions re(visitées) à l'occasion de l'élaboration de ces ouvrages, conçus pour «laisser une trace par l'image, le témoignage et rendre compte d'événements terribles, censés pourtant échapper à tout récit, à toute narration», selon l'ONG italienne. A fleur de silence, un recueil de photographies réalisées par Anaïs Pachabézian, photographe indépendante qui vit et travaille à Paris, montre des personnes qui ont vécu d'une manière intime la tragédie-drame, en fixant l'objectif sur les conditions de vie très modestes, voire précaires, des rescapés de la terreur. Les personnes photographiées dans cet ouvrage préfacé par l'écrivaine Maïssa Bey affichent toutes une mine mélancolique : des visages prématurément ridés par la terreur, des regards évasifs et irrémédiablement tristes. Elles relatent brièvement leur malheur. L'indicible. «C'était en 1996. Ils ont égorgé mon neveu et mon frère. Nous habitions dans la montagne, près de Si Mustapha» (Ahmed, Boumerdès). «Mon mari a été assassiné le jour du mariage de ma fille. Il allait chez le voisin et une bombe a explosé» (Bakhta, Blida). «Le 23 janvier 2003, à 17h, ils ont abattu mon mari pendant qu'il garait la voiture» (Mme Hirèche, épouse d'un patriote à Boumerdès), sont les quelques extraits de témoignages, parmi tant d'autres, qui accompagnent les photographies. Le second livre Apprendre à vivre ensemble, réalisé sous la direction de Ghania Mouffok, journaliste, présente les processus de réconciliation mis en œuvre dans des pays d'Afrique (Afrique du Sud, Rwanda...), pour garantir le «vivre ensemble» après des années de «violences internes». Cet ouvrage se termine par un entretien avec Cherifa Kheddar, présidente de Djazaïrouna, une association de soutien aux familles victimes du terrorisme dans la Mitidja, et par un portrait à Nacer Meghmine, fondateur de l'association culturelle «SOS-Culture Bab El Oued» en 1995, au cœur de ce quartier populaire d'Alger, devenu dans ces années, l'un des fiefs de l'intégrisme et de la subversion. R. C. / APS