Les photos d'Anaïs Pachabézian et Kays Djilali sont autant de fenêtres ouvertes sur le parcours de harragas sub-sahariens, ces damnés de la terre version 21 ème siècle. Alors que leurs frères d'infortune algériens ou marocains n'ont que la mer à traverser, eux, ont déjà parcouru des milliers de kilomètres. Cette escale aux portes de l'Europe, au Maroc ou en Algérie, est souvent un séjour dangereux et aléatoire. Les photos d'Anaïs Pachabézian et Kays Djilali sont autant de fenêtres ouvertes sur le parcours de harragas sub-sahariens, ces damnés de la terre version 21 ème siècle. Alors que leurs frères d'infortune algériens ou marocains n'ont que la mer à traverser, eux, ont déjà parcouru des milliers de kilomètres. Cette escale aux portes de l'Europe, au Maroc ou en Algérie, est souvent un séjour dangereux et aléatoire. En noir et blanc pour les œuvres de Kays Djilali, éclatantes de couleurs pour celles de la photographe française, les photos font le tour de l'Espace Noûn au cœur d'Alger, entraînant par effraction le visiteur dans un ailleurs autre, terriblement douloureux, comme infiniment lointain… Elles ont pourtant quelquefois été prises seulement à quelques kilomètres de là , sur les trottoirs de Bab-El-Oued ou dans quelques uns de ces éternels chantiers de construction qui hérissent la périphérie de la capitale de ferrailles, parpaings et béton. Reprises de l'album de Kays Djilali « La nuit sur la figure », les photos livrent à travers les yeux grands ouverts, la jeunesse et la beauté des modèles photographiés, une seule et même chose : la détermination et la tranquille assurance de ceux qui, prêts du but, ne renoncent pas au rêve qui les habite. Locataires de carcasses en béton avec des murs de carton, gagnant quelques sous en réparant des chaussures sur un coin de trottoir insalubre, plantant un abri de fortune au cœur de la forêt d'Oujda, les migrants camerounais, mauritaniens, maliens, nigériens , ghanéens ou venus d'encore plus loin , organisent leur survie face à un univers qui les broie. Noirs, ils subissent les exactions et le racisme des Maghrébins sans pouvoir le comprendre. « Parfois c'est celui chez qui on travaille qui appelle la police (…) La première chose qu'a faite le flic a été de me gifler pour me demander mes papiers. Normalement on dit bonjour avant. Pourtant, lui, ce policier, il a des frères en Europe. Il sait ce que c'est de partir de chez soi pour pouvoir manger… » peut-on lire dans le témoignage d'un harrag camerounais vivant en famille dans un ghetto d'Alger puis emprisonné et expulsé pour séjour illégal. « Les enfants passent leur temps à m'insulter et à me jeter des pierres (…). Tout Africain sent le sida. Le premier examen, c'est le dépistage HIV…. » témoigne Youssef , Camerounais vivant en Algérie. Malgré la misère qui en suinte, les intérieurs de migrants, quand ils en ont un, sont ordonnés et propres. Malgré la faim qui les tenaille, leur maintien plein de fierté et de dignité en impose. Youssouf, Ivoirien , cordonnier à Alger, relate, avec d'autres, son calvaire quotidien dans un petit livret accompagnant l'expo et édité par le CISP( Comitao Internazionale per lo Sviluppo dei Popoli). L'hôtel plein de punaises dont il doit sortir dès 6 heures du matin, le froid à affronter, le ventre vide et mal couvert, l'impossibilité de faire marche arrière, Alger s'avère un endroit très dur pour les migrants. « Dans toute la traversée, l'Algérie a été le pays le plus difficile. Alger est une grande capitale mais très difficile. Ici, à la Casbah (je ne parle pas des autres coins), les Algériens n'ont pas d'argent. Même eux ont des problèmes pour manger.(…) Assis du matin jusqu'au soir, tu gagnes à peine 50 dinars.(…) Souvent on ne mange pas pendant deux jours… » Adda, Algérien de 33 ans , insiste lui, sur le fait qu'il est prêt à recommencer la traversée de tous les dangers « sur une planche s'il le faut ! » Docker journalier, payé à 300 dinars la journée, il a été repêché au large d'Almeria. « La mort pour le harrag c'est une délivrance » ajoute celui qui se considère comme «clandestin dans son propre pays.» L'exposition de Kays Djilali et Anaïs Pachabézian, avec ses prises de vue au plus près de l'humain, interpelle violemment sur une des questions les plus douloureuses de l'actualité africaine. K. T. En noir et blanc pour les œuvres de Kays Djilali, éclatantes de couleurs pour celles de la photographe française, les photos font le tour de l'Espace Noûn au cœur d'Alger, entraînant par effraction le visiteur dans un ailleurs autre, terriblement douloureux, comme infiniment lointain… Elles ont pourtant quelquefois été prises seulement à quelques kilomètres de là , sur les trottoirs de Bab-El-Oued ou dans quelques uns de ces éternels chantiers de construction qui hérissent la périphérie de la capitale de ferrailles, parpaings et béton. Reprises de l'album de Kays Djilali « La nuit sur la figure », les photos livrent à travers les yeux grands ouverts, la jeunesse et la beauté des modèles photographiés, une seule et même chose : la détermination et la tranquille assurance de ceux qui, prêts du but, ne renoncent pas au rêve qui les habite. Locataires de carcasses en béton avec des murs de carton, gagnant quelques sous en réparant des chaussures sur un coin de trottoir insalubre, plantant un abri de fortune au cœur de la forêt d'Oujda, les migrants camerounais, mauritaniens, maliens, nigériens , ghanéens ou venus d'encore plus loin , organisent leur survie face à un univers qui les broie. Noirs, ils subissent les exactions et le racisme des Maghrébins sans pouvoir le comprendre. « Parfois c'est celui chez qui on travaille qui appelle la police (…) La première chose qu'a faite le flic a été de me gifler pour me demander mes papiers. Normalement on dit bonjour avant. Pourtant, lui, ce policier, il a des frères en Europe. Il sait ce que c'est de partir de chez soi pour pouvoir manger… » peut-on lire dans le témoignage d'un harrag camerounais vivant en famille dans un ghetto d'Alger puis emprisonné et expulsé pour séjour illégal. « Les enfants passent leur temps à m'insulter et à me jeter des pierres (…). Tout Africain sent le sida. Le premier examen, c'est le dépistage HIV…. » témoigne Youssef , Camerounais vivant en Algérie. Malgré la misère qui en suinte, les intérieurs de migrants, quand ils en ont un, sont ordonnés et propres. Malgré la faim qui les tenaille, leur maintien plein de fierté et de dignité en impose. Youssouf, Ivoirien , cordonnier à Alger, relate, avec d'autres, son calvaire quotidien dans un petit livret accompagnant l'expo et édité par le CISP( Comitao Internazionale per lo Sviluppo dei Popoli). L'hôtel plein de punaises dont il doit sortir dès 6 heures du matin, le froid à affronter, le ventre vide et mal couvert, l'impossibilité de faire marche arrière, Alger s'avère un endroit très dur pour les migrants. « Dans toute la traversée, l'Algérie a été le pays le plus difficile. Alger est une grande capitale mais très difficile. Ici, à la Casbah (je ne parle pas des autres coins), les Algériens n'ont pas d'argent. Même eux ont des problèmes pour manger.(…) Assis du matin jusqu'au soir, tu gagnes à peine 50 dinars.(…) Souvent on ne mange pas pendant deux jours… » Adda, Algérien de 33 ans , insiste lui, sur le fait qu'il est prêt à recommencer la traversée de tous les dangers « sur une planche s'il le faut ! » Docker journalier, payé à 300 dinars la journée, il a été repêché au large d'Almeria. « La mort pour le harrag c'est une délivrance » ajoute celui qui se considère comme «clandestin dans son propre pays.» L'exposition de Kays Djilali et Anaïs Pachabézian, avec ses prises de vue au plus près de l'humain, interpelle violemment sur une des questions les plus douloureuses de l'actualité africaine. K. T.