Résumé de la 2e partie n Le cabecilla gracie tous les prisonniers. Seul un d'entre eux, le plus jeune, s'approche du prêtre». Qu'a-t-il à lui demander ? Rien... J'attends que vous décidiez de mon sort. — Mais ton sort sera celui des autres. Je n'ai nommé personne. La grâce était pour tous. — Les autres sont des traîtres et des lâches.... Moi seul je n'ai pas crié. Le cabecilla tressaillit et le regarda bien en face : — Comment t'appelles-tu ? — Tonio Vidal. — D'où es-tu ? — De Puycerda. — Quel âge ? — Dix-sept ans. — La République n'a donc plus d'hommes, qu'elle est réduite à enrôler des enfants ? — On ne m'a pas enrôlé, padre... Je suis volontaire. — Tu sais, drôle, que j'ai plus d'un moyen pour te faire crier : «Vive le roi !» L'enfant eut un geste superbe : Je vous mets au défi ! — Tu aimes donc mieux mourir ? — Cent fois ! — C'est bien... tu mourras. Alors le curé fit un signe, et le peloton d'exécution vint se ranger autour du condamné, qui ne sourcilla pas. Devant ce beau courage, le chef eut un mouvement de pitié : «Tu n'as rien à me demander avant ?... Veux-tu manger ! Veux-tu boire ? — Non ! répondit l'enfant ; mais je suis bon catholique, et je ne voudrais pas arriver devant Dieu sans confession. Le cabecilla avait encore son surplis et son étole : «Agenouille-toi, dit-il en s'asseyant sur une roche, et, les soldats s'étant écartés, le condamné commença à voix basse : «Bénissez-moi, mon père, parce que j'ai péché....» Mais voici qu'au milieu de la confession, une fusillade terrible éclate à l'entrée du défilé. — Aux armes ! crient les sentinelles. Le cabecilla bondit, donne des ordres, distribue les postes, éparpille ses soldats. Lui-même a sauté sur une espingole (fusil court à canon évasé) sans prendre le temps d'ôter son surplis, lorsqu'en se retournant il aperçoit l'enfant toujours à genoux. — Qu'est-ce que tu fais là, toi ? — J'attends l'absolution. — C'est vrai, dit le prêtre.... Je t'avais oublié. Gravement, il lève la main, bénit cette jeune tête inclinée ; puis, avant de partir, cherchant des yeux autour de lui le peloton d'exécution dispersé dans le désordre de l'attaque, il s'écarte d'un pas, met son pénitent en joue, et le foudroie à bout portant. Alphonse Daudet